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POÉSIES DE GUERRE




I. — les étrennes de paris.


Allons ! pille, assassine, arrache, égorge encore,
Temps inassouvi dont la faux nous dévore !
Entasse, dans tes jours plus longs qu’un siècle entier,
Les ruines sans nom que fait le Hun altier !
Va ! va ! poursuis ton vol au milieu de nos plaines,
Où l’invasion monte en tempêtes humaines !
Fais couler de la ville au pays du labour
Le sang de Wœrth après le sang de Wissembourg !
Fais tomber cet espoir qui toujours se redonne
De Sedan qu’on trahit à Metz qu’on abandonne !
Va toujours ! viens cerner Paris entre ses forts ;
Fais-lui comme ceinture un vaste champ de morts
Tombés pour son orgueil et pour sa délivrance ;
Enfin amasse tout, deuils, sanglots et souffrance.
Tu n’empêcheras point que nous, vaincus d’hier,
Debout sous le grand ciel qui luit joyeux et clair.
Nous ne venions, du fond de ta ville cernée,

Te souhaiter, ô France, une superbe année !

Écoute, nous avons une étrenne à t’offrir :
Trois cent mille soldats qui sont prêts à mourir !
Et nous avons souffert, va, les uns et les autres.
Car la neige et la faim ont frappé bien des nôtres !
Le froid est dur pendant les grand’gardes de nuit…
Mais ta sainte pensée est là qui nous conduit.
Mais ton nom bien-aimé résonne à notre oreille.
Et tout cela nous rend la chaleur sans pareille.