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vité du service des remontes, favorisée par le haut prix des fourrages, la différence entre le pied de paix et le pied de guerre fut rapidement comblée, et l’artillerie de l’armée du Rhin, qui avait appelé à elle les régimens de Toulouse et de Rennes comme ceux de Metz et de Strasbourg, et qui comptait 3 batteries de montagne venues de l’Algérie, fut complètement réunie à la date du 10 août, vingt-cinq jours après les premiers ordres partis du ministère, sans autre incident que celui gravement dénoncé par la commission des papiers des Tuileries, et relatif à 600 colliers signalés à Saint-Omer comme trop étroits pour les encolures des gros chevaux belges achetés par la remonte.

C’est donc un fait avéré, certain : l’armée du Rhin n’avait que 942 canons, et il eût été impossible de lui en donner plus de 984 à ce moment par l’unique et péremptoire raison que le budget n’admettait que 164 cadres de personnel[1]. Les 700,000 hommes de l’armée allemande, en supposant qu’ils eussent seulement trois bouches à feu en moyenne par 1,000 hommes, devaient en posséder plus de 2,000, ce qui explique suffisamment pourquoi cette armée a pu constamment combattre avec une artillerie supérieure à la nôtre. Est-ce à dire que nous fussions pauvres en matériel, que les canons nous aient fait défaut ? C’est une idée très répandue dans Paris ; elle console un grand nombre de citoyens honnêtes, et elle fait aujourd’hui le bonheur de quelques autres citoyens très avisés. Comme cette idée est parfaitement fausse, il vaut la peine de la combattre, car elle a pesé d’un poids très lourd sur l’esprit public et sur le bon emploi des ressources qui nous restent, surtout sur nos finances. En d’autres temps, ce que je vais dire serait une indiscrétion ; mais aujourd’hui, depuis que tant de canons se sont acheminés les uns après les autres vers les places de l’Allemagne, après les pertes immenses subies à Sedan, à Strasbourg et à Metz, les chiffres que je donne ne représentent plus rien. Ils ont été terriblement modifiés par ces pertes et aussi par l’énorme travail accompli à Paris et dans les provinces sous l’énergique impulsion du patriotisme et de notre résolution de résister à tout prix.

À la date du 1er juillet 1870, nous possédions 3,216 canons rayés de campagne de 4, de 8 et de 12, et 190 canons à balles ou mitrailleuses, au total 3,406 bouches à feu, avec 3,175 affûts et 7,436 caissons à munitions, c’est-à-dire le matériel nécessaire pour mettre en

  1. La direction de l’artillerie prit en cette circonstance la seule mesure qui fût en son pouvoir. Elle commença la transformation en batteries montées de deux des quatre batteries à pied qui entraient dans la composition de chacun des quinze régimens montés de la ligne. Cette opération lui procura trente nouvelles batteries, qui furent prêtes à la fin d’août.