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canons, les affûts, les voitures de service, les projectiles, la poudre, le harnachement, tant pour les armes portatives, les munitions, les drapeaux et étendards de l’armée et des gardes nationales… Environ 300,000 francs étaient accordés au dépôt central de l’artillerie, qui est chargé, parmi beaucoup d’autres attributions, des travaux de recherches et de perfectionnement. Ce n’est pas avec cela que l’artillerie pouvait faire des largesses à la légion des inventeurs, ou ménager d’heureuses surprises à la nation.

On nous permettra de chercher encore à redresser une erreur assez généralement répandue, qui est de temps en temps ravivée par des personnes que je ne crois pas complètement désintéressées. On essaie de faire un crime à l’artillerie de construire elle-même son matériel, et, pour faire mieux entrer le dard, on insinue que ce corps orgueilleux juge le génie civil incapable de bien faire. Il faudrait d’abord s’entendre et faire une distinction. Il y a génie civil et génie civil. Je connais un grand nombre de chefs d’industrie, grands et petits, qui travaillent, souvent de père en fils, pour l’artillerie, et auxquels celle-ci fait chaque année de nombreuses et importantes commandes. Je ne pense pas que ce soient ces honorables industriels qui se plaignent du corps de l’artillerie, qui les a souvent sauvés de la ruine en temps de crise, surtout les maîtres de forges ; mais l’industrie a, elle aussi, ses fruits secs, et je me méfierais plutôt de ces industriels aigris.

Établissons d’abord la situation du comité, cet épouvantail des possesseurs du secret du feu grégeois, qui n’a jamais été perdu, — de la recette des poudres blanche, jaune ou verte, qui font crever les armes, — des inventeurs de cuirasses qui garantissent le fantassin des feux de l’ennemi, attendu qu’elles le mettent hors d’état de s’en approcher, de paraballes, de parapets mobiles que les bataillons poussent devant eux comme des brouettes, de projectiles et d’engins terribles capables d’anéantir une armée ennemie en cinq minutes, si celle-ci veut bien y mettre un peu de complaisance. Le comité a, cela est vrai, la charge et le devoir pénible de détruire beaucoup d’illusions et de condamner ce qui est inapplicable.

Quant aux idées justes et pratiques, je n’en connais pas une seule que le comité n’ait étudiée et signalée avec bienveillance à l’attention du ministre, qui, dans ce cas, ordonne une étude plus approfondie, bien entendu dans les limites des ressources financières dont il dispose, et suivant l’intérêt et l’opportunité du moment. C’est là malheureusement le cas qui se présente le plus rarement, mais à qui la faute ? Si dans l’avenir, à propos de la réorganisation inévitable des services de l’armée, on jugeait à propos de nous demander un avis, nous donnerions énergiquement celui d’affranchir l’artillerie