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procuraient généralement à ceux qui les obtenaient de beaux bénéfices. M. Bineau, qui était en 1854 ministre des finances, pensa que ce serait une mesure populaire de ne plus réserver ces profits aux seuls banquiers et d’y appeler tout le public. Il compta que le crédit de l’état était assez solide pour se passer de l’appui des chefs de la finance, et qu’on aurait tout avantage à supprimer leur intervention entre le trésor et le public. On décida en conséquence, à propos du premier emprunt de 250 millions pour la guerre de Crimée, qu’on réaliserait l’opération par voie de souscription générale, en provoquant le concours de tous, du plus mince capitaliste comme du plus gros banquier. L’entreprise réussit au-delà de toute espérance, et depuis ce moment on est resté fidèle à ce système dans les nombreuses opérations du même genre qui se sont succédé. L’épargne, rendue abondante par la prospérité du pays, n’hésita pas à se précipiter dans ces placement sûrs, offerts à des conditions favorables. Les bénéfices qu’on y trouva firent presque désirer le retour des circonstances qui les produisaient, de sorte que l’exagération des dépenses, qui aurait dû soulever une opposition et un blâme énergiques, fut accueillie par une sorte de satisfaction tacite de l’intérêt privé.

Le succès encouragea le gouvernement impérial. Après l’emprunt de 250 millions vinrent les emprunts de 500 et de 750 millions, tous les trois destinés aux frais de la guerre d’Orient, puis l’emprunt de 500 millions pour la guerre d’Italie, l’emprunt de 300 millions de l’expédition du Mexique, l’emprunt de 429 millions pour les travaux publics et la transformation de l’armement, enfin l’emprunt de 1 milliard, dont le produit nous sert encore aujourd’hui à combattre l’Allemagne.

Le taux auquel ils ont été souscrits a été assez favorable. Le 4 1/2 pour 100 a été émis de 90 à 92 50, le 3 pour 100 depuis 60 50 jusqu’à 69 25. L’emprunt de 500 millions pour la guerre d’Italie est celui qui a obtenu les conditions les moins bonnes, et celui de 429 millions les meilleures. Si l’on compare les taux divers auxquels ont été négociés les emprunts de l’empire et ceux des régimes précédens, on reconnaît que l’empire a payé généralement le capital moins cher que la restauration et un peu plus cher que la monarchie de juillet. Sous la restauration en effet, sauf un emprunt de 80 millions 4 pour 100 adjugé en 1830 à la maison Rothschild au prix de 102 75, les autres, consistant en 5 pour 100, ont été négociés à des chiffres qui ont varié entre 57 26 et 89 55. Sous le régime de 1830, les emprunts 5 pour 100 ont été adjugés au pair, à 84 et à 98 50, les emprunts 3 pour 100 entre 75 25 et 84 75. Il ne faut pas oublier toutefois que le capital demandé au crédit de-