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LES FINANCES DE L’EMPIRE.

nistre qui prit l’initiative de la mesure n’était pas exempt d’ailleurs d’une certaine préoccupation personnelle. Il avait promis, en entrant aux affaires, une gestion sévère de la fortune du pays, et il se voyait débordé par les surcroîts de dépenses provenant des expéditions lointaines. Il espéra dégager sa réputation de financier en faisant deux parts : celle de l’administration normale et des opérations régulières, sur lesquelles il avait entendu baser ses plans, — celle de l’imprévu et des aventures, dont il n’acceptait pas la responsabilité. Il imagina donc de séparer le budget en trois parties distinctes et de créer un budget ordinaire, un budget sur ressources spéciales et un budget extraordinaire. Le premier dut pourvoir aux services obligatoires et permanens, assurer le paiement de la dette, l’exécution des lois, l’administration de la justice, la perception des revenus, la défense du territoire. Dans le second furent rangés les recettes et les dépenses du service départemental, le produit des centimes communaux et les crédits nécessaires pour en effectuer la restitution aux communes, enfin certaines dépenses spéciales ne se réglant que d’après le montant des ressources qui leur sont affectées. Le budget extraordinaire fut réservé pour les grands travaux publics, les constructions nouvelles, les excédans temporaires de l’effectif militaire, nécessités par la protection de nos intérêts extérieurs, en un mot tout ce qui, répondant à des besoins momentanés et destinés à disparaître, ne doit pas figurer parmi nos charges permanentes. On vota dans une même loi le budget ordinaire et le budget sur ressources spéciales, et l’on consacra une loi distincte au budget extraordinaire.

Au moyen de ce procédé, on eut l’art d’administrer au public, pour ainsi dire, le budget à doses moins fortes, et de remplacer le bloc inquiétant qu’il offrait par une succession de chiffres plus modérés. On eut aussi l’avantage de dissiper certaines confusions et de remettre sous leur jour certaines parties de la gestion des finances. La distinction des services sur ressources spéciales parvint à dégager le budget de recettes et de dépenses qui ne concernaient pas directement l’état, et à faire ressortir les charges vraies et les ressources réelles du trésor. Cependant la séparation de l’ordinaire et de l’extraordinaire, séduisante en théorie, excellente pour préparer le vote de la chambre et pour mettre en relief tout ce qui provenait d’une politique téméraire ou d’une administration prodigue, ne produisit dans la pratique que des résultats contestables. Elle apporta dans la comptabilité une série de difficultés, et manqua souvent d’une sanction suffisante.

Le morcellement du budget ne devait pas s’arrêter à ces trois fractions. En 1866, on détacha une nouvelle branche, dont on fit le budget spécial de l’amortissement. On s’était décidé à reconstituer