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LES FINANCES DE L’EMPIRE.

naître la fidélité avec laquelle les agens du pouvoir exécutif se seront conformés à la volonté du pays. La question se réduit donc à savoir si ces comptes sont exacts, et, pour le savoir, il est indispensable de les vérifier.

L’assemblée législative peut-elle faire cette vérification ? Il ne faut pas oublier que c’est une entreprise immense, qu’il s’agit d’établir la réalité et la légitimité de tous les faits de la recette et de la dépense, que ce résultat ne peut être obtenu que par le dépouillement de la comptabilité tout entière et par l’examen de pièces justificatives dont le nombre s’élève chaque année à un chiffre de quatre à cinq millions. On peut douter qu’une assemblée législative ait le temps et les moyens d’entreprendre une semblable tâche. Il lui faudrait distraire des autres travaux pendant une année entière et consacrer exclusivement à ce labeur une centaine de ses membres ; il faudrait en outre que les membres désignés eussent une connaissance assez grande de la comptabilité publique pour apprécier sainement les faits. Ces conditions sont assez difficiles à trouver dans un corps délibérant, qui a pour principale mission de s’élever au-dessus des détails et de régler les intérêts généraux.

À défaut de l’assemblée législative, pourrait-on remettre la vérification des comptes ministériels à l’administration des finances ? Un bureau ajouté à la direction générale de la comptabilité disposerait certainement des forces et des agens suffisans pour l’exécuter ; mais ce contrôle serait-il assez dégagé de l’influence des membres du gouvernement ? N’y aurait-il pas lieu de craindre que l’employé de l’administration des finances n’hésitât à critiquer les actes et à signaler les abus commis par le ministre dont il dépend ? Oserait-il même dénoncer les inexactitudes graves reconnues dans les autres départemens, qui l’exposeraient à la haine de fonctionnaires puissans ? Sa destitution ne serait-elle pas souvent la prix de l’accomplissement consciencieux de son devoir ? Or l’expérience apprend qu’il est toujours dangereux de placer l’homme entre sa conscience et son intérêt.

Ce sont ces considérations qui ont déterminé le législateur à conférer cette vérification à une magistrature inamovible, possédant à la fois le temps et les moyens que n’a pas l’assemblée législative, et l’indépendance qui fait défaut à l’administration, La cour des comptes est d’ailleurs toute préparée à remplir promptement et sûrement cette mission. On a vu comment elle fixait par un arrêt le chiffre des recettes et des dépenses de chaque comptable. Pour reconnaître l’exactitude des comptes ministériels, il lui suffit de résumer par exercice, par ministère et par chapitre, les résultats qu’elle a contrôlés et fixés dans ses arrêts, puis de rapprocher les chiffres ainsi obtenus des résultats correspondans qui figurent au