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LES FINANCES DE L’EMPIRE.

l’occasion de s’enrichir. Tout dépositaire de l’autorité a entre les mains une source de bénéfices, s’il ne craint pas de trafiquer de la puissance qui lui est confiée. Depuis le souverain qui possède les secrets politiques, qui dispose des places, des honneurs, des concessions de grandes entreprises, jusqu’aux fonctionnaires qui stipulent au nom de l’état, passent les marchés, reçoivent les fournitures ou les travaux, tous, dans l’accomplissement de leurs fonctions et dans l’exercice de leurs prérogatives, ont plus ou moins un moyen de lucre. En s’exposant les uns au scandale, les autres à la destitution ou à des condamnations sévères, ils peuvent réaliser des opérations fructueuses, vendre leurs faveurs ou leurs complaisances. Contre les abus de cette nature, les institutions sont à peu près impuissantes, et il n’y a d’autre remède que la probité du gouvernement et des agens qu’il emploie ; mais ces actes ne sauraient diminuer la valeur de notre système financier, et quand même ils se seraient produits sous l’empire, ils ne pourraient infirmer la protection réelle dont ce système n’a cessé de couvrir le maniement des deniers publics, même dans la période la plus absolue de la constitution de 1852.

Est-ce à dire que cette organisation soit irréprochable et qu’elle ait atteint les dernières limites de la perfection ? Doit-on prétendre qu’il n’y a nul progrès à réaliser ? La nation intervient-elle d’une manière assez puissante et assez efficace dans la distribution des crédits ? La méthode des viremens ne saurait-elle être corrigée avec habileté, garder une simplicité et un jeu facile, sans défaire les votes du pouvoir législatif ? La péréquation de l’impôt est-elle obtenue ? N’est-il plus possible de simplifier l’exploitation des revenus publics et de diminuer les frais de perception et de gestion ? On a essayé en 1866 une réforme qui a réuni entre les mains des receveurs-généraux les attributions des anciens payeurs, et donné à ces comptables uniques le titre de trésoriers-payeurs généraux. Faut-il s’arrêter là, et ne doit-on pas songer à faire disparaître tout ce qui est inutile et dispendieux, tout ce qui ne constituerait que des sortes de bénéfices destinés à quelques privilégiés ? La constitution du contrôle ne doit pas moins attirer l’attention. Il faut redoubler la rapidité et la sûreté de son action. On pourrait dégager la cour des comptes d’un certain nombre d’attributions qui l’entravent, la constituer avec plus de netteté comme une sorte de délégation du pouvoir législatif pour le contrôle suprême des finances, enfin augmenter encore les conditions de son indépendance. Dans toutes ces réformes, on ne doit néanmoins procéder qu’avec la plus grande circonspection et la plus extrême prudence. Il faut examiner avec soin ce qu’on veut détruire et étudier dans les plus minutieux dé-