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vers des maquis touffus, on a, pendant bien des siècles, fait la vendange et la cueillette des olives ; c’est ce dont témoignent, sur les pentes les mieux exposées aux rayons du midi ou du couchant, des restes de murs et de terrassemens que l’on distingue encore dans l’épaisseur du fourré. Dans les endroits où la culture était à peu près impossible, des bois de pins, aujourd’hui presque entièrement détruits, empêchaient la montagne de se dénuder ; dans les clairières et entre les rocs mômes poussaient la sauge, la campanule et le thym, toutes ces plantes aromatiques, tous ces vigoureux arbustes que se plaît à tondre la dent des moutons et des chèvres.

Tous ces cantons agrestes et montueux de l’Attique semblent avoir été, dans le siècle de Solon et surtout après les guerres médiques, l’asile et le rempart des traditions aristocratiques. Les matelots du Pirée, les artisans et les petits marchands de la ville, enhardis par les services rendus à la cité, enrichis par le commerce, éprouvèrent de bonne heure le désir de s’assurer des garanties contre l’autorité que les eupatrides ou nobles avaient jusqu’alors exercée sans contrôle. Bientôt ces garanties, qui, après Solon et Clisthènes, étaient déjà sérieuses, ne suffirent plus à leur ambition ; victorieuse à Salamine, « la foule maritime, » comme l’appelle Aristote, voulut un rôle plus actif et réclama sa part du pouvoir. Aristide ouvrit aux citoyens de la dernière classe l’accès des magistratures ; d’autres, peut-être Éphialte et Périclès, établirent les grands jurys populaires et les firent présider par des archontes que le sort avait désignés. Quoique ces réformes eussent profondément changé la constitution d’Athènes, les héritiers des eupatrides ne se résignèrent point. Pendant tout le ve siècle, ils ne cessèrent de lutter sur le Pnyx en faisant, ce qui était leur droit, le plus habile usage de toutes les armes légales ; mais, ce qui est moins à leur honneur, quand ils voyaient le scrutin se prononcer contre eux, ils n’hésitaient point à recourir aux complots et à conspirer avec l’étranger. Ils avaient souhaité la victoire des Spartiates ; ils ne rougirent donc pas, après Ægos-Potamos, d’accepter des mains de Lysandre Athènes vaincue, affamée, agonisante. Là les attendait le châtiment. Par la manière dont elle exerça le pouvoir, l’oligarchie des trente déshonora sans retour sa cause et son nom même. Ce fut moins Thrasybule et ses braves compagnons que Critias et ses complices qui tuèrent à Athènes la tradition aristocratique. Pendant quelques mois, ce fut une véritable orgie de vengeance, de rapine et de folle cruauté ; puis ce parti disparut à jamais de l’histoire d’Athènes. Il avait fini, comme finissent dans leur dernier retour de fortune tous les partis rétrogrades, par un suicide.

On n’en était pas encore là dans les brillantes années qui virent,