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étaient la source. Sa fortune devait être considérable, puisqu’il nous dit que les funestes opérations de Philippe le Bel sur les monnaies lui faisaient perdre par an 500 livres tournois. Nous pourrions facilement supposer, quand même il ne nous l’affirmerait pas, que ses fonctions, si honorables et lucratives qu’elles fussent, lui attirèrent de la part de ses puissans adversaires de nombreux désagrémens.

En 1306, il composa le plus important de ses ouvrages, celui où il s’est plu à rassembler toutes ses idées de politique et de réformes sociales. C’est un traité adressé à Édouard Ier, roi d’Angleterre, sur les moyens de recouvrer la terre-sainte. L’abbé Lebœuf a montré une légèreté qui ne lui est pas habituelle en croyant que l’ouvrage a été adressé à Édouard III, et que le roi de France dont il y est question est Charles V. Michaud et M. de Reiffenberg, qui le copie, ne sont guère moins inexacts. Baluze lui-même s’est trompé en croyant que l’auteur a eu directement en vue le concile de Vienne dans les conseils qu’il donne à Édouard.

Il est permis de penser que Du Bois tenait assez peu au but lointain qu’il assignait à l’activité des nations chrétiennes. Ce pieux prétexte fut une des machines de guerre le plus souvent mises en usage par les conseillers de Philippe le Bel pour dissimuler leurs hardiesses. Nogaret affecte la même ardeur pour la croisade. Après avoir été un instrument entre les mains de la papauté, les croisades devenaient un instrument entre les mains de la royauté. Plus on combattait la cour de Rome, plus il fallait montrer de zèle pour les intérêts catholiques ; c’était une manière de faire la leçon au pape, de lui prouver qu’il négligeait les intérêts de la chrétienté. Les moyens qu’on indiquait pour préparer la croisade devaient d’ailleurs avoir pour premier résultat de recueillir beaucoup d’argent, de mettre les richesses des ordres religieux entre les mains du roi. Que l’expédition sainte manquât ensuite, le but n’en était pas moins atteint. On parla beaucoup vers 1306, 1307 et 1308 de recouvrer Constantinople et Jérusalem ; ce fut un des objets de l’assemblée de Poitiers en 1308, où figura Hayton, prince d’Arménie, et à vrai dire il n’y a pas d’année vers ce temps où la préoccupation d’une croisade ne se découvre. Il y avait quatorze ans que les derniers vestiges de la domination des Francs avaient disparu de la Syrie par la prise de Tortose et par celle du château des Pèlerins, qui eurent lieu presque le même jour. Sous prétexte d’indiquer les meilleurs procédés pour conquérir la terre-sainte. Du Bois expose un vaste plan de réformes qui consiste à détruire le pouvoir temporel du pape, à dépouiller le clergé de ses biens, à transformer ces biens en pensions payées par le pouvoir séculier et adonner la direction générale de la chrétienté au roi de France.