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influence n’est pas irrésistible, et que notre libre arbitre nous permet toujours de régler notre conduite d’après les conseils de la raison et de l’expérience. Le souvenir des causes passées et des effets quelles ont produits depuis l’origine du monde, la connaissance des causes présentes et l’habitude de conjecturer les effets qu’elles doivent vraisemblablement produire, voilà, selon l’auteur, ce qui fait l’habileté des démons à deviner l’avenir. C’est par des calculs et des prévisions de cette nature que les Grecs et les Romains ont réussi à dominer le monde, et il ne doute pas que Philippe le Bel n’atteigne le même but.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur traite des sujets de moins haute portée et plus accommodés à ses fonctions habituelles. Le grand mal du temps est à ses yeux l’empiétement de la juridiction ecclésiastique sur la juridiction royale. Une foule de procès qui devraient relever de cette dernière sont entraînés devant celle-là, grâce surtout à l’abus des excommunications. L’avocat du roi ne suffit pas pour empêcher le mal. Sa situation est difficile à l’égard des autres avocats, qui se réunissent pour l’attaquer en s’écriant : « Voilà cet homme qui est toujours disposé à combattre, comme un apostat, la juridiction et la liberté ecclésiastiques. » Ces clameurs et ces haines causent plus de tort aux avocats du roi que ne valent les salaires qu’ils perçoivent. Lorsque les juges royaux reprochent aux officiers d’usurper la juridiction royale, ceux-ci répondent qu’ils ont toujours été en possession des droits qu’ils exercent. « Ce qui est vrai, dit l’auteur, c’est qu’à moins d’une possession de cent années, on ne peut prescrire contre le roi ; le droit canon et le droit civil sont d’accord sur ce point. Or il y a moins de cent ans qu’ils ont usurpé toute leur juridiction ; on peut le savoir par les vieillards, qui ont vu comment cela s’est fait. C’est même depuis l’an 1240, car alors l’exercice de leur juridiction se réduisait à si peu de chose qu’on ne percevait rien en Normandie pour les sceaux de l’archevêque et des évêques, qui maintenant rapportent annuellement 20,000 livres parisis et plus, déduction faite des frais. Ces abus s’introduisirent au commencement du règne de saint Louis, qui sûrement les aurait réprimés, s’il les avait connus. »

Comme remède, Du Bois propose un projet de lettre adressée par le roi à Boniface VIII. Il recommande de munir cette lettre d’un sceau pendant, afin qu’elle obtienne plus de créance. Elle devra être lue en consistoire ; le pape et les cardinaux y verront un avertissement solennel, et sans doute ils prendront en considération la dévotion habituelle de royaume de France, si différent des antres états ; où l’église n’a aucune juridiction. Si cela ne suffit pas, le roi créera, avec le consentement des évêques, des tabellions royaux auxquels on devra accorder la même foi qu’aux tabellions (notaires