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le plus directement et le plus continuellement procédé de la raison, des calculs patiens, des coutumes méditatives de l’esprit, c’est aux descendans de Jean Juste et de Poussin, de Bernard Palissy et de Nanteuil, qu’on essaie d’imposer la foi dans les seuls hasards de l’imagination ! Certes une prétention aussi malencontreuse mériterait d’être condamnée comme un démenti à l’histoire et au génie de notre école, s’il ne fallait avant tout la repousser au nom des principes mêmes et du bon sens. Tant que, dans le domaine de l’art comme ailleurs, on n’aura pas découvert le moyen de posséder à son gré le secret des choses, d’arriver à la certitude sans avoir étudié, de savoir sans avoir appris, nous garderons le droit de placer, à l’exemple de nos pères, nos plus sûres espérances dans les efforts consciencieux, notre plus ferme confiance dans le travail. Nous croirons à l’impérieuse nécessité d’un apprentissage ; mais, pour que cet apprentissage porte ses fruits, le bon vouloir et les aptitudes personnelles de ceux qui l’entreprennent ont besoin d’une sage direction, de leçons plus solidement instructives, d’une méthode moins effacée ou moins conventionnelle que les traditions et les usages ayant cours aujourd’hui dans les lycées et dans les écoles. C’est à la réforme de l’enseignement élémentaire qu’il est grandement temps de s’appliquer, c’est cette première éducation de l’artiste, de l’ouvrier, de l’homme du monde, que l’on doit travailler à rendre plus sérieuse, sous peine de voir de ce côté aussi notre ancienne autorité faiblir, et la prééminence nous échapper. Hélas ! de nos jours assez de fautes ont été commises, assez de malheurs se sont succédé : n’ajoutons point par notre imprévoyance des torts nouveaux, des regrets prochains, à ces lamentables souvenirs. Sans doute, à l’heure où nous sommes, on ose à peine arrêter sa pensée sur ce qui n’a pas pour objet la défense immédiate, la délivrance à main armée de notre sol ; mais quand, avec l’aide de Dieu, la lutte sacrée que nous soutenons aura eu son terme, quand l’injure nationale aura été vengée, d’autres tâches nous seront imposées encore, d’autres devoirs nous resteront, à l’accomplissement desquels il est au moins permis de se préparer dès à présent.

Henri Delaborde.