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est vraisemblable qu’il créera tant de cardinaux de ce royaume que la papauté, demeurant dans les rangs de ceux-ci, échappera aux mains rapaces des Romains. En général, Du Bois prend hautement le parti des gibelins contre les guelfes, qui ne se soumettent au pape que pour échapper à l’obéissance due au prince légitime. C’est ainsi que depuis longtemps les Lombards se précipitent audacieusement dans toutes les rébellions ; qu’ils soient punis, eux et leur postérité, par la perte de tous leurs biens. Si le pape prenait la défense de ces pervers contre leur prince légitime, fondateur et défenseur du patrimoine de l’église, le pape, faut-il le dire ? serait un ingrat et un félon qui mériterait d’être châtié comme tel.

Que le roi de Sicile (Charles II d’Anjou) doive aussi gagner beaucoup à ce projet, cela est évident, puisque le royaume de Jérusalem vaudra bien plus que tout ce qu’il possède actuellement. Son royaume sera défendu avec les biens des templiers, des hospitaliers, etc. Il rentrera en possession du royaume de Sicile, le royaume de Sardaigne étant assigné à Frédéric d’Aragon. Le roi d’Allemagne possédera son royaume à perpétuité pour lui et ses descendans avec les honneurs attachés à l’empire. Quant à Charles de Valois, il pourra parfaitement après la paix occuper l’empire de Constantinople. Le succès de ce plan importe plus qu’on ne saurait dire au roi de France, à ses enfans, à ses frères et à sa postérité, car, s’il réussit, Philippe et son frère Charles de Valois auront dans leur dépendance tous les princes qui obéissent à l’église romaine. Si le pape livrait au roi pour une pension annuelle le patrimoine de l’église avec l’obédience temporelle des vassaux de ce patrimoine, parmi lesquels on compte beaucoup de rois, on stipulerait que le souverain de France instituerait « sénateur romain » un de ses frères ou de ses fils, qui, en son absence, serait le suprême justicier du patrimoine. Alors, dans le cas où les Lombards, les Génois et les Vénitiens refuseraient d’obéir au roi, de payer les tributs et redevances dus autrefois par eux aux empereurs, on leur interdirait immédiatement toute relation avec les catholiques fidèles. Le commerce de ces cités et de ces peuples tomberait ; le roi entrerait librement en Lombardie par la Savoie, tandis que le sénateur romain, l’empereur et le roi de Sicile viendraient par d’autres directions. De cette façon tomberait l’antique orgueil des Romains, des Toscans, des barons de la campagne de Rome, de la Pouille, de la Calabre, de la Sicile. Les rois d’Angleterre, d’Aragon et de Majorque obéiraient au roi de France, comme ils sont tenus d’obéir au pape, dans les choses temporelles. En créant le roi de Grenade, on pourrait stipuler également qu’il serait vassal du roi, et après tout il n’y aurait rien de surprenant à ce que le roi de France obtînt l’hommage et l’obédience de cette terre que Charlemagne conquit après