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ravinées par les eaux de pluie. De l’est à l’ouest court une petite chaîne de montagnes formées principalement de calcaire mêlé de silice, et vers le sommet de porphyre rouge ou jaune, que les Chinois exploitent pour les constructions ; en arrière s’élèvent des montagnes volcaniques. Vers le nord, l’horizon est borné par une chaîne de pics plus ou moins aigus, où il existe encore des vestiges de la grande muraille marquant la limite entre la Chine et la Mongolie. Suen-hoa-fou étant beaucoup plus élevé que Pékin, l’hiver se prolonge davantage, et la température est souvent si basse que chaque année des gens meurent de froid sur les chemins ; néanmoins l’été est assez long et assez chaud pour permettre la culture du riz. La population se compose de véritables Chinois et de musulmans originaires de l’Asie centrale[1] qui s’attribuent une supériorité et s’arrogent des privilèges, entre autres le monopole de certains commerces. Cependant le type primitif de ces musulmans s’est tellement altéré par les mariages avec les Chinoises qu’on ne les distinguerait pas, s’ils ne conservaient l’usage de signes extérieurs. Dans la ville, et plus encore dans la partie occidentale du pays, on remarque des visages qui rappellent ceux des Européens. Le teint est clair, le nez saillant, la chevelure blonde ; seuls, les yeux conservent le caractère chinois ou mongol.

Dans la vieille cité des empereurs mongols, comme dans toute la contrée, le froid est encore bien intense au mois de mars. Le Yang-ho, gelé sur les bords, charrie d’énormes glaçons ; mais les campagnes ne cessent d’offrir un curieux spectacle : il y a un monde de créatures qui s’agitent et paraissent vivre heureuses sans souci de l’état de l’atmosphère. Les oies et les canards abondent sur la rivière, et dans la foule on distingue des cygnes et des pluviers ; des alouettes et des vanneaux courent dans les prés humides, les choucas et les freux viennent par nuées chercher leur nourriture sur les guérets. Les freux nichent jusque sur les arbres de la ville, et le nombre en est si prodigieux que de tous côtés on est assourdi par des croassemens qui se font entendre dès le point du jour pour ne finir qu’avec la nuit. Notre savant lazariste parcourt le pays, et au milieu de cette nature âpre il trouve constamment des sujets d’étude, quelquefois même une satisfaction qui touche le cœur. Dans plusieurs villages, il y a des chrétiens qui ont manifesté le désir de le voir. Si l’on peut se fier à l’apparence, les Chinois convertis ont de la vénération et même de l’attachement pour les missionnaires ; ils admirent ces hommes qui, après s’être éloignés de leur famille et de leur patrie, se résignent à une vie fort dure.

Une excursion jusqu’à 40 ou 50 kilomètres au sud de Suen-hoa-fou

  1. On les regarde comme les descendans des anciens Houy-houy.