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Eul-che-san-hao est aujourd’hui un point central des missions ; on y a fondé un établissement pour les enfans abandonnés. « C’est, dit le père A. David, une des œuvres de charité les plus belles des missions catholiques. Des femmes dévouées donnent des soins maternels à ces pauvres petits, souvent atteints de défauts physiques qui ont motivé l’abandon par les parens ; on les instruit quand ils sont en âge, et plus tard on assure l’avenir de ces déshérités en les plaçant dans de bonnes maisons et en mariant les jeunes filles. » La contrée, aujourd’hui parsemée de villages, est traversée par un ruisseau formant un vaste marais où viennent s’ébattre les oiseaux aquatiques. Le pays, presque entièrement volcanique, est déboisé : des peupliers et quelques ormeaux plantés en taillis composent toute la végétation arborescente. La région était couverte de forêts lorsque le sol n’était guère foulé que par les cavaliers mongols.

Le climat du nord de la Chine est parfois bien dur pour le pauvre voyageur. En quittant Suen-hoa-fou, on avait salué le printemps, et le 9 avril on a dans la matinée 7 degrés de froid, tandis qu’à la même heure à Pékin le thermomètre marque 6 degrés au-dessus de zéro ; par intervalles, la neige tombe, le vent, qui souffle par rafales, est chargé de grésil. La végétation est moins avancée qu’elle ne l’était autour de la capitale un mois auparavant ; les bourgeons des peupliers commencent à peine à se développer, et quelques petites graminées à sortir de terre. Pourtant les rats-taupes (Spalax talpinus), qui abondent, se sont mis à travailler : on remarque beaucoup de taupinières fraîches, deux ou trois fois grosses comme celles de nos taupes et souvent disposées en longues files. Les lièvres de Mongolie (Lepus tolaï), les seuls qu’on trouve au nord de la Chine, courent la campagne, ainsi que les gentilles gerboises, qui sautillent sur la neige. Pour la première fois, le savant lazariste observe la jolie fauvette à des bleu (Nemura cyanura), découverte au Japon. L’avoine, le millet, le sarrasin, la pomme de terre, avec un peu de blé, constituent les ressources alimentaires des habitans. Le lin, également cultivé, n’est employé qu’à fournir de l’huile pour les besoins de la table et pour l’éclairage. Jusqu’ici le père Armand David a traversé des régions déjà passablement connues des missionnaires ; à certains jours, il s’est trouvé parmi des confrères, et par instans il a pu oublier les ennuis d’une route pénible dans une saison encore mauvaise. Maintenant, avec son unique compagnon, M. Louis Chevrier, il doit marcher sur la foi d’indications vagues ou inexactes, et s’aventurer chez des peuplades dont on ignore absolument les dispositions. Il s’agit de poursuivre la route vers l’ouest, et d’atteindre Koui-hoa-tcheng, qu’on dit être à 5 ou 600 lys : 75 ou 80 lieues. Après mille difficultés, le fameux guide parvient à louer une charrette ; on va s’engager dans le désert, parce que c’est