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il ne regrettera pas d’avoir pris la peine de gravir la côte escarpée ; la position est charmante, elle domine la vallée du Fleuve-Jaune et tout le plat pays des Ortons. Les lamas sont au nombre d’une centaine, et le supérieur appartient à une famille princière de la Mongolie. Sambdatchiemda, le fameux guide, a figuré autrefois dans l’asile au nombre des cénobites, et il a le bonheur de retrouver d’anciens amis. De retour à Sartchi, on entend résonner le tam-tam ; le mandarin de Tchang-kouen est venu publier la prohibition de semer le pavot en ordonnant d’arracher les plantes déjà germées. C’est, paraît-il, un manège bien connu dont ne s’inquiètent guère les cultivateurs ; ils apportent un peu d’argent au mandarin, et tout finit à la satisfaction générale. Notre infatigable lazariste se prépare pour une grande excursion dans l’Ourato, et les ennuis commencent. Personne ne veut consentir à louer une bête de somme pour un prix raisonnable ; on craint de se compromettre en rendant un service aux Européens. Le propriétaire qui a fourni le logement a été menacé par les mandarins, et les voyageurs sont gardés à vue. Aux soupçons, que les paroles ne suffisent point à calmer, ils opposent une patience inaltérable et une extrême retenue, car il est impossible d’aller ailleurs sans risquer de perdre les résultats de la campagne. C’est ici que les vieilles relations du guide peuvent être appréciées ; — par les soins d’un lama, on réussit à se procurer un baudet et de nouveau le digne missionnaire se met en route.


III.

L’Ourato est un royaume contenu dans des limites très resserrées de l’orient à l’occident et très étendu du nord au midi ; il est borné à l’est par le pays de Koui-hoa-tcheng ou le Toumet, au sud par le Fleuve-Jaune, à l’ouest par l’Alachan et au nord par des principautés distinctes dans lesquelles les Chinois ont pénétré, et où ils cultivent la terre : les principautés de Targam-pei-li et de Mao-ming-nguan. De petits ruisseaux coulent seuls dans les vallées ; il n’y a point de cours d’eau un peu considérable dans toute la contrée. La chaîne nommée Oula-chan par les Chinois s’étend vers l’ouest, et demeure séparée de l’Alachan par une vaste plaine humide. Au nord, d’immenses terrains fournissent des pâturages aux troupeaux mongols ; mais les meilleures terres sont cultivées par les Chinois, qui chaque four empiètent davantage en payant une rétribution annuelle en grains. Quelques Mongols, abandonnant le soin des troupeaux, se livrent également au travail plus productif de la culture, car ils se trouvent réduis à une affreuse misère lorsqu’une partie du bétail vient à succomber par le froid d’un hiver rigoureux. Les Mongols qui s’adonnent à l’agriculture ont adopté les