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l’organisation a manqué aux nouveaux. Aujourd’hui il n’y a plus qu’à licencier cette armée éprouvée et incohérente pour reconstituer une armée nouvelle. Tout est à refaire. Comment résoudra-t-on ce problème ? Il n’est point douteux qu’il faudra plus ou moins s’inspirer du système prussien, organiser une armée identifiée avec la nation ; mais ce qui est moins douteux encore, c’est que cette armée ne deviendra une vraie force que par l’instruction, par le sentiment du devoir, par l’acceptation de toutes les sévérités de la vie militaire, par une énergique discipline. Ce n’est plus seulement ici un intérêt de parti, c’est l’intérêt patriotique le plus élevé. Et cette œuvre, l’accomplira-t-on par la confusion et le désordre, par toutes les fantaisies révolutionnaires ? Il est bien clair qu’on ne fera rien, s’il y a des journaux et des clubs qui se croient permis de prêcher l’insubordination, d’exciter les soldats contre leurs chefs, si on se fait un jeu de la discipline, si tout ce qui porte une arme, fût-ce la garde nationale, se met à délibérer. Les malheurs qui viennent de nous accabler n’auront servi à rien, ou plutôt ils n’auront fait que préparer de nouveaux et plus effroyables désastres au lieu d’être le commencement de cette régénération dont tout le monde parle sans en accepter quelquefois les conditions les plus simples.

S’il est enfin un point où l’ordre soit une nécessité absolue, c’est la reconstitution de nos finances. C’est ici surtout que les illusions et les déclamations ne servent à rien, elles ne peuvent changer un seul chiffre. La vérité est que nous restons après la guerre sous le poids d’une charge accablante. Nous avons à payer tout ce que le vainqueur nous arrache par la force, tout ce que nous a imposé pendant vingt ans le régime qui a préparé nos désastres. Notre dette consolidée était à la fin du premier empire de 63 millions de rente ; elle s’élevait en 1830, après toutes les dépenses de l’invasion, après l’indemnité des émigrés, à un peu plus de 160 millions. La monarchie de juillet n’ajoutait en réalité à ce chiffre que peu de chose, 12 millions effectifs. Depuis vingt-trois ans, cette dette s’est singulièrement enflée, d’abord sous la république, puis sous l’empire, surtout sous l’empire. D’après le dernier budget, sans tenir compte des intérêts de la dette flottante, des fonds de cautionnemens ou des dettes viagères, la rente consolidée était arrivée au chiffre annuel de 363 millions. Dans son ensemble, le capital de la dette française dépassait déjà 10 milliards. Maintenant il faut ajouter à ceci d’un seul coup les 5 milliards imposés par la Prusse. Ce n’est pas tout, les recettes publiques ont un déficit de 1 milliard au moins. Les dépenses qui ont été faites, et qui restent à liquider, s’élèvent sans doute à près de 3 milliards. En d’autres termes, d’un seul bond la dette française va monter à près de 20 milliards, avec un intérêt qui absorberait une moitié de nos ressources budgétaires telles qu’elles existaient jusqu’ici. L’Angleterre, il est vrai, on nous l’a dit, et on nous le dit encore, l’Angleterre