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vous exalter même avec un texte banal. Il faut croire que M. Gambetta est un grand acteur, car il est un écrivain bien médiocre. Les nouvelles verbales ou par lettres sont déplorables.

4 janvier.

Lettre de Paris. — Nous voulons bien mourir, surtout mourir, disent-ils. Ce peu de mots en dit beaucoup : ils sont désespérés !… comme nous.

5 janvier.

Plus de nouvelles du tout. On nous annonce que pendant douze jours il n’y aura plus de communications à cause d’un grand mouvement de troupes. Nous allons donc voir des prodiges d’activité bien entendue ? Il serait temps. — Histoire non officielle, c’est maintenant la seule qui soit vraie : le général Bourbaki a refusé la direction militaire de la dictature et déclaré qu’il voulait agir librement ou se retirer.

6 janvier.

Échec à Bourgtheroulde. C’est près de Jumiéges. Ont-ils ravagé l’intéressante demeure et le musée de nos amis Cointet ? Les barbares respecteront-ils les ruines historiques ?

7.

Depuis douze jours, on bombarde Paris. Le sacrilège s’accomplit. La barbarie poursuit son œuvre : jusqu’ici elle est impuissante ; mais ils se rapprocheront du but. Ils sont les plus forts, et la France est ruinée, pillée, ravagée à la fois par l’ennemi implacable et les amis funestes.

8.

Tempête de neige qui nous force d’allumer à deux heures pour travailler. Toujours des combats partiels ; l’ennemi ne s’étend pas impunément. Les soldats que les blessures ou les maladies nous ramènent nous disent que le Prussien en personne n’est pas solide et ne leur cause aucune crainte. On court sur lui sans armes, il se laisse prendre armé. Ce qui démoralise nos pauvres hommes, c’est la pluie de projectiles venant de si loin qu’on ne peut ni l’éviter ni la prévoir. Notre artillerie, à nous, ne peut atteindre à grande distance et ne peut tenir de près. Il résulte de tout ce qu’on apprend que la guerre était impossible dès le début, que depuis tout s’est aggravé effroyablement, et qu’aujourd’hui le mal est irréparable. — Pauvre France ! il faudrait pourtant ouvrir les yeux et sauver ce qui reste de toi !

Lundi 9.

Neige épaisse, blanche, cristallisée, admirable. Les arbres, les buissons, les moindres broussailles sont des bouquets de diamans :