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suis irritée contre ceux qui reprochent à votre gouvernement d’avoir cédé devant l’horreur de vos souffrances. On réfléchira demain, aujourd’hui on pleure et on aime : arrière ceux qui maudissent !

30 janvier.

À présent nous savons pourquoi Paris a dû subir si brusquement son sort. Encore une fois nous n’avons plus d’armée ! Tandis que celles de l’ouest et du nord sont en retraite, celle de l’est est en déroute. Le malheureux Bourbaki, harcelé, dit-on, par les exigences, les soupçons et les reproches de la dictature de Bordeaux, s’est brûlé la cervelle. Aucune dépêche ne nous en a informés, les journaux que nous pouvons nous procurer le disent timidement dans un entrefilet. Mais on le sait trop à Versailles, et devant l’évidence Jules Favre a dû perdre tout espoir.

Ce nouveau drame est navrant. Celui-là ne trahissait pas qui s’est tué pour ne pas survivre à la défaite !

31 janvier.

Dépêche officielle. — Alea jacta est ! La dictature de Bordeaux rompt avec celle de Paris. Il ne lui manquait plus, après avoir livré par ses fautes la France aux Prussiens, que d’y provoquer la guerre civile par une révolte ouverte contre le gouvernement dont il est le délégué ! Peuple, tu te souviendras peut-être cette fois de ce qu’il faut attendre des pouvoirs irresponsables ! Tu en as sanctionné un qui t’a jeté dans cet abîme, tu en as subi un autre que tu n’avais pas sanctionné du tout et qui t’y plonge plus avant, grâce au souverain mépris de tes droits. Deux malades, un somnambule et un épileptique, viennent de consommer ta perte. Relève-toi, si tu peux !

« L’occupation des forts de Paris par les Prussiens, dit cette curieuse dépêche, semble indiquer que la capitale a été rendue en tant que place forte. La convention qui est intervenue semble avoir surtout pour objet la formation et la nomination d’une assemblée.

« La politique soutenue et pratiquée par le ministre de l’intérieur et de la guerre est toujours la même : guerre à outrance, résistance jusqu’à complet épuisement ! » — Entends-tu et comprends-tu, pauvre peuple ? Le complet épuisement est prévu, inévitable, et le voilà décrété !

« Employez-donc toute votre énergie, dit la dépêche en s’adressant à ses préfets, à maintenir le moral des populations ! » — Le moyen est sublime ! Promettez-leur le complet épuisement ! Voilà tout ce que vous avez à leur offrir. Eh bien ! c’est déjà fait. Vous avez tout pris, et cela ne vous a servi à rien. Il faut aviser au moyen de vider deux fois chaque bourse vide et de tuer une seconde fois chaque homme mort !

Viennent ensuite des ordres relatifs à la discipline. « Les troupes