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et sur toutes les questions, alla se mêler sans motif à des querelles théologiques, comme on sait, les plus violentes de toutes. La bulle Unigenitus passionnait alors tous les esprits ; elle avait en France cette mauvaise fortune d’être soutenue par les jésuites et imposée par l’autorité. Ces appuis, qui la faisaient triompher dans l’état, la discréditaient auprès de l’opinion publique ; Maffei eut la maladresse de la défendre. Il composa un gros ouvrage pour prouver que la doctrine des pères, surtout de saint Augustin, était conforme à celle de la bulle. À ce propos, il reçut les complimens les plus empressés du cardinal de Bissy et du nonce du pape, qui n’étaient pas accoutumés à voir un laïque important, et surtout un poète dramatique, se déclarer pour eux. Le cardinal de Fleury, qui avait pris la chose à cœur, l’honora d’une longue lettre pleine de souvenirs familiers, dans laquelle il daignait lui rappeler le temps où il composait des traités de théologie au lieu de gouverner la France ; mais la société de Paris, qui a toujours été frondeuse, et où il était de bon ton d’être janséniste, quoiqu’au fond personne ne se souciât guère des doctrines de saint Augustin, ne se cacha pas pour lui montrer que ce n’était pas le moyen de lui plaire que de rechercher les bonnes grâces du nonce du pape ou du premier ministre. Burigny, tout ami qu’il était de Mme  de Verteillac et de ceux qu’elle aimait, déclarait qu’il ne pouvait pardonner au marquis ce qu’il appelait sa papimanie. « Le Maffei, écrivait La Bastie, ne semble être resté si longtemps à Paris que pour y perdre sa réputation. Vous seriez étonné du peu de cas qu’on fait ici du docte italien. »

Il se décida enfin à quitter Paris, et, reprenant le cours interrompu de ses voyages, il se rendit avec Séguier en Angleterre, et la parcourut en compagnie de son spirituel compatriote Algarotti. Séguier a grand soin de nous faire connaître, dans sa relation manuscrite, les honneurs qu’on rendit à Maffei ; il fut présenté au roi, qui l’accueillit avec une grande distinction. Le prince de Galles, l’ayant aperçu à la séance de clôture du parlement, le fit approcher et l’entretint longtemps. À Oxford, on lui décerna le titre de docteur ; il fut revêtu en grande pompe de la robe rouge, et eut à subir une longue harangue latine pleine de ses louanges. À Cambridge, le savant mathématicien Folkes lui communiqua un traité inédit de Newton sur l’ancienne mesure de la coudée des Égyptiens. « On dit ici, raconte Séguier, qu’il n’y a que M. de Maupertuis, M. Folkes et un troisième dont j’ai oublié le nom qui puissent comprendre cet ouvrage. Il est vrai qu’il est si profond que, quand l’auteur passait dans les rues de Cambridge, où il était professeur, on disait : voilà l’homme qui a fait un livre où personne n’entend rien ! » Ils visitèrent aussi le grand critique Richard Bentley, celui que l’école