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d’autres étaient des asiles ouverts à la science. Je ne parle pas seulement des bénédictins, dont La Bastie, un juge éclairé et impartial, disait : « L’esprit de labeur ne se conserve que là ; » mais on travaillait aussi chez les jésuites et à l’Oratoire. Les savans étaient moins malheureux qu’on ne pense dans ces calmes retraites où l’on était au moins exempt des soucis de la vie, qui prennent le temps et usent les forces. Dans une lettre que l’historien de la Provence, Papon, écrit à Séguier, on trouve ces paroles touchantes : « J’ai quitté l’Oratoire parce qu’il ne m’était guère possible de concilier les heures de mon travail avec les exercices de la communauté ; mais je n’en ai quitté que l’habit. L’Oratoire était devenu ma famille par l’habitude que j’avais d’y vivre depuis l’âge de quinze ans. J’y ai mes premiers amis et mes plus anciennes connaissances ; mon cœur s’y est formé, mes affections s’y sont développées. Je n’y ai rien vu qui n’ait excité mon estime et mon attachement, et ces sentimens dureront toute ma vie. » Si ces ordres puissans, comprenant bien leurs intérêts, étaient entrés plus franchement dans cette voie, si, plus préoccupés de l’avenir, mieux instruits des besoins de leur siècle, ils avaient fait une part plus large à l’esprit scientifique, s’ils avaient plus libéralement employé leurs immenses ressources à soutenir, à encourager les travaux utiles, il est probable qu’ils auraient désarmé l’opinion publique, qui allait leur être si sévère, et qu’au moment du danger ils auraient trouvé plus de défenseurs. Le haut clergé, paraît avoir eu moins de souci encore des intérêts scientifiques que les simples prêtres ou les moines. On pensait généralement que les évêques devaient être surtout des hommes de gouvernement, et que leur grande affaire était de bien administrer leur diocèse ; il eût donc été très dangereux de les choisir parmi les érudits, qui, comme on sait, n’entendent rien à gouverner les autres ni eux-mêmes. En Italie au contraire, la connaissance de l’antiquité profane était un titre pour obtenir les honneurs ecclésiastiques. On avait vu sans étonnement des épigraphistes, des numismates, devenir évêques en récompense de leur érudition. Noris, Passionei, Quirini, d’autres encore, avaient même été faits cardinaux sans qu’il y eût d’autre raison à leur haute fortune que les savans ouvrages qu’ils avaient publiés. Cette tradition a persisté jusqu’à nos jours, et nous avons vu Angelo Maï payé par la pourpre de la découverte des lettres de Marc-Aurèle et de la République de Cicéron. Rien de pareil ne se voyait en France ; on ne croyait pas qu’il y eût rien de commun entre l’érudition et l’épiscopat. Aussi les évêques se souciaient-ils en général fort peu de l’encourager. On en trouve un pourtant, dans la correspondance de Séguier, qui professe des opinions tout autres. C’était l’évêque d’Agde, le comte de Saint-Simon, petit-neveu de l’auteur des Mémoires, Esprit vif, large, to-