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hauteurs de Garches et de Buzenval ; mais le principal effort paraissait se porter sur les bords de la Seine, au sud de Paris, et sur la vallée de la Marne. Rien ne permettait encore de deviner le résultat de l’action, quand le 3 décembre, vers deux heures de l’après-midi, la canonnade cessa brusquement. Le lendemain, les régimens de la landwehr regagnèrent leurs cantonnemens, épuisés de fatigue, mais moins silencieux et aussi nombreux qu’au départ. L’ennemi n’avait pas engagé ses réserves. Ses positions restaient donc intactes, et Paris n’avait pu briser le cercle qui l’enfermait. Quelques lignes sèches et peu triomphantes du Moniteur de Seine-et-Oise nous apprirent que 100,000 Français avaient attaqué une partie de la 3e et de la 4e armée entre L’Hay et Bry-sur-Marne, que les troupes allemandes avaient, suivant la phrase consacrée, maintenu victorieusement leurs positions, et que leurs pertes n’étaient pas sans importance. Le même jour arrivait la nouvelle du désastre d’Orléans : la capitulation de Metz avait porté ses fruits.

Le mois de décembre s’écoula rempli par des bruits contradictoires sur les revers et les triomphes de l’armée de la Loire, et par des appréhensions chaque jour plus vives sur le sort de Paris. Malgré les glaces qui avaient rompu une partie de ses ponts, l’ennemi avait reçu son matériel de siège : le 27 décembre, l’écho de détonations lointaines apprit à Versailles le bombardement du plateau d’Avron et des forts de l’est. Peu de temps après, les 250 pièces immobiles jusque-là dans le parc de Villacoublay étaient distribuées dans les batteries qui s’échelonnaient depuis les hauteurs de Bagneux jusqu’à celles de Saint-Cloud. — Le moment psychologique si souvent annoncé était arrivé. On a prétendu que l’état-major du prince royal et M. de Bismarck lui-même s’étaient opposés au bombardement de Paris, qu’ils n’avaient cédé qu’à l’impatience de l’armée et aux déclamations de la presse allemande. L’immense quantité de matériel et de munitions accumulés à grands frais dès les premiers temps du siège prouve que le bombardement entrait dans le plan primitif, et qu’il faut en attribuer le retard non pas à un sentiment d’humanité, mais à la difficulté des transports et à des considérations purement stratégiques. Les Allemands s’exagéraient du reste les effets de leurs projectiles ; ils énuméraient avec une étrange complaisance les prétendus incendies qu’ils avaient allumés et les monumens qu’ils avaient cru détruire ; ils recherchaient avidement les journaux français pour y suivre la trace de leurs obus, et les accusaient de dissimuler l’étendue des désastres. Pendant que les bombes pleuvaient sur une population inoffensive, l’Allemagne se préparait avec un attendrissement mystique à célébrer le couronnement de son empereur. La cérémonie eut lieu le