Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/507

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de retrouver des forces avant de supporter de nouvelles contributions ; l’imposer extraordinairement aujourd’hui, ce serait lui disputer le dernier souffle de vie qu’on lui a laissé : il faudra donc emprunter même de quoi parer au déficit de cette année. Et lorsque nous aurons ainsi payé notre premier milliard à l’ennemi, réglé notre dette à l’intérieur, mis notre budget de 1871 en équilibre, nous aborderons, il faut l’espérer, l’année 1872 sous de meilleurs auspices ; grâce à cette liquidation heureusement accomplie de nos premières charges, grâce à une politique qui devra être de plus en plus sage et prévoyante, la France trouvera certainement à emprunter à des conditions plus favorables les 4 milliards qu’elle aura encore à payer pour faire évacuer son territoire. Quatre milliards sont assurément une très grosse somme à lever ; cependant, si on réfléchit qu’après tout, en temps normal, l’Angleterre réalise chaque année 3 milliards d’économie, que nous en faisions nous-mêmes avant la guerre pour plus de 1 milliard 500 millions, qu’il y avait toujours sur le marché de Londres et sur le nôtre des capitaux en abondance pour toutes les entreprises véreuses, pour tous les emprunts d’états insolvables qui venaient s’y négocier, on est moins effrayé. La France tranquille, rassurée sur son avenir, ne commettant pas d’imprudences financières, peut en 1872 avoir assez de crédit pour emprunter aisément ces 4 milliards. Alors elle n’aurait plus qu’à mettre ses budgets futurs en équilibre, en les dotant d’une annuité assez forte pour amortir sa dette le plus rapidement possible. L’œuvre n’est pas au-dessus de ses forces, si elle sait se rendre compte de ses ressources, puiser où elle peut le faire avec le plus de profit et sans porter atteinte à la richesse publique. Cela ne peut avoir lieu qu’au moyen d’une surtaxe sur les impôts. Ceux qui nous paraissent le mieux en état de la supporter sont les impôts indirects. Il y a une école de financiers qui les trouve détestables, et qui les présente comme pesant particulièrement sur les classes pauvres. Cette école est très dangereuse dans les sociétés démocratiques ; elle a l’oreille de la foule, qui se laisse toujours prendre aux déclamations, et croit volontiers qu’elle est victime de l’injustice. Aussi, avant de déterminer la surtaxe dont on pourrait charger les impôts indirects, est-il bon de les justifier et d’indiquer le rôle qu’ils jouent dans notre économie financière.


I.

Si on n’avait affaire qu’à un budget très minime, facile à équilibrer au moyen d’un léger prélèvement sur la richesse publique, on comprendrait à la rigueur qu’on pût s’adresser à la taxe directe seulement. C’est ainsi que les choses se passent à peu près en Suisse,