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qu’ils avaient songé quelquefois à bâtir là une maison et à placer la cuisine sur le foyer de ces feux pour épargner le bois, mais que le médecin de Sestola les avait détournés de leur idée en prétendant que ces feux venaient de l’enfer : ce bon médecin était probablement du pays de l’Orto del Inferno. Au reste cela ne m’empêcha pas de prendre avec moi une bonne provision de cet air diabolique, qui, soumis dans la suite à l’analyse, se trouva participer en tout à la nature du gaz hydrogène de Barigazzo. »

Au mois de mai 1869, l’aspect de ces lieux était un peu différent de celui que dépeint le récit précédent. Le terrain environnant, au lieu d’être cultivé comme à la fin du siècle dernier, était en friche depuis de longues années et déjà fort dégradé par les pluies. La fonte des neiges y transformait en un lit de torrent le fossé décrit par Spallanzani, et le dégagement de gaz ne s’effectuait plus que par deux orifices distincts, tous les deux placés au fond du cours d’eau. À quelques mètres de là, on avait récemment élevé une petite chapelle et l’on y disposait des tuyaux pour conduire le gaz et le faire brûler devant une image de la madone. Plus près du sommet de la colline, du côté de Monte-Creto, nous avons pu constater encore de petits dégagemens gazeux qui s’opéraient sous une couche épaisse de neige. En prêtant l’oreille, nous entendions le bruit des bulles de gaz qui crevaient probablement au travers de quelques petites flaques d’eau provenant de la fusion de la neige. — Tous ces exemples prouvent surabondamment qu’il n’existe aucune différence essentielle entre les terrains ardens et les fontaines ardentes ; ils montrent avec évidence que tel dégagement gazeux peut affecter l’une ou l’autre de ces apparences suivant la saison et le degré d’abondance des eaux.


III.

Quand on descend des hauteurs des Apennins, on rencontre, avant d’atteindre la plaine de la Lombardie, une longue bande de terrain marneux qui s’étend de Plaisance jusqu’à l’extrémité méridionale de l’Italie, et suit une direction sensiblement parallèle à l’arête montagneuse de la péninsule. Le long de cette zone, il n’existe plus de terrains ardens semblables à ceux de Pietra-Mala, de Porretta et de Barigazzo ; mais c’est là qu’on trouve, pour servir au dégagement des gaz inflammables, ces curieux appareils naturels qui ont été désignés sous les noms de salzes, de salinelles, et dans certains cas sous celui de volcans boueux. Le premier que nous allons décrire, celui de Bergullo, mérite à la fois toutes ces dénominations.