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Les guerres que nous avons eu à soutenir vers nos frontières du nord et de l’est ont toujours amené la peste bovine. Les armées que nous combattions, approvisionnées par du bétail venu des bords du Danube, nous importaient la maladie ; mais, si les guerres la transportent à de grandes distances ; d’Orient en Occident, ce sont les relations commerciales qui le plus souvent la propagent d’un état à l’état voisin, d’un département à un autre. Ainsi l’épizootie de 1711 se communiqua de l’Italie à la Sardaigne et au Piémont, et s’étendit dans la Suisse, le Tyrol, l’Allemagne, l’Alsace, la Flandre, l’Artois, la Belgique et la Hollande, qui perdit 200,000 têtes de bétail. De la Hollande, le commerce l’importa en Angleterre en 1713 ; mais, mettant à profit les observations faites dans les autres états, les Anglais s’en débarrassèrent en peu de temps. En France, elle se propagea dans l’est, le Soissonnais, la Champagne et la Franche-Comté ; elle y avait été importée aussi du côté du Dauphiné. Elle sévit à cette époque pendant six ou sept ans dans divers états de l’Europe occidentale, et on a pu évaluer à 30 millions de livres les pertes qu’elle y occasionna. Elle s’était étendue d’un autre côté de la Hongrie en suivant les rives du Danube vers l’Allemagne. D’après Scroëkius, elle occasionna les plus grands dommages dans le territoire d’Augsbourg. Des déjections alvines sanguinolentes furent un des principaux caractères de la maladie. De là le nom de dyssenterie maligne que lui avait donné ce médecin. La Société des médecins de Genève, qui l’étudia particulièrement dans la Suisse méridionale et occidentale, lui conservait la dénomination de petite vérole, que Ramazzini avait employée. Après avoir essayé sans succès plusieurs méthodes de traitement, ils eurent recours au moyen extrême proposé par Lancisi, l’abatage. C’est à l’occasion de cette épizootie que la Faculté de médecine de Paris désapprouva publiquement des écrits publiés sur cette maladie ; elle voulut, par une sentence rendue publique en 1714, éclairer la population sur la prétendue valeur curative attribuera quelques médicamens.

Vingt-cinq ans plus tard, l’Europe, la France en particulier, subissait une autre forte attaque de la peste bovine. On désigne cette épizootie par le millésime 1740, comme on désigne celle dont nous venons de parler par le millésime 1711. On l’a considérée pendant