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fournit de nombreux faits semblables ; mais elle nous apprend aussi que pour être efficaces, ces précautions doivent être continues, l’isolement doit être rigoureusement surveillé. Durant l’épizootie de 1774, un seigneur du Bigorre fit construire dans un herbage une étable très vaste où il renferma tous ses bestiaux, il en confia le soin et la garde à un domestique qui ne devait jamais entrer dans une autre étable, ne jamais recevoir de visiteurs. Pendant longtemps, la conservation de tous les bestiaux fut la récompense des précautions prises ; tous les métayers environnans faisaient des pertes cruelles, et enviaient en quelque sorte le bonheur du propriétaire prudent. Un jour, le gardien oublia de fermer la porte de l’étable et s’absenta un moment. Un voisin s’y introduisit et toucha les animaux. Le surlendemain, la maladie se déclara parmi eux, et en peu de temps les enleva tous les uns après les autres. Les précautions des particuliers sont presque infaillibles et les mesures administratives sont d’une efficacité certaine, si les propriétaires comprennent bien leur intérêt et sont disposés à le sauvegarder, tandis qu’elles restent sans effet, s’ils sont indifférens et négligent la surveillance de leurs bestiaux.

Les insuccès qui ont lieu dans les essais individuels d’isolement s’expliquent par la négligence des employés. Ce sont des domestiques inintelligens qui compromettent les intérêts confiés à leurs soins. Quand on est habitué à rechercher les causes des maladies des animaux, on sait avec quelle habileté les serviteurs cherchent à cacher leur paresse et leurs imprudences. Ils s’attachent à prouver les choses les plus invraisemblables ; ils attribuent à un développement spontané des maladies qui sont évidemment produites par des causes physiques. À plus forte raison, ils attribuent à des causes inconnues les affections internes pour cacher les conséquences de leur brutalité ou de leur incurie.

Avant la découverte de la vaccine, l’inoculation de la petite vérole présentait des avantages généralement reconnus, La maladie communiquée artificiellement était plus bénigne que lorsqu’elle se développait naturellement. L’éruption qui se produisait à la peau du bétail affecté de la peste bovine fit croire qu’il y avait de l’analogie entre cette maladie, appelée variole du bœuf par Ramazzini, et la variole de l’homme. Cette supposition fit espérer que l’inoculation de l’affection épizootique rendrait les services que rendait celle de la variole. En 1769, Camper et Won-Doeveren pratiquèrent de nombreuses inoculations en Hollande. De leurs essais faits à Groningue, ils avaient conclu que la maladie communiquée est moins grave que lorsqu’elle se développe spontanément. On avait même ajouté que les animaux qui l’ont eue une fois, soit naturelle-