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temps dans les transactions, comme à chaque négociation d’immeuble on le déduit du prix d’acquisition, il n’est en réalité payé par personne. Ceci est rigoureusement vrai pour le sol. En ce qui concerne les propriétés bâties, il y a une légère distinction à faire. Si la maison a été achetée, la situation est la même que pour la terre ; on a tenu compte de l’impôt dans le prix de l’acquisition. Si on l’a construite, on a calculé d’avance tous les frais, et on la louera en conséquence. De quel droit viendrait-on gratifier les propriétaires actuels de ce qu’on ne leur a pas enlevé ? Pourquoi leur faire un cadeau au préjudice d’autrui ? Ah ! si l’état avait de gros excédans de recettes, et si on voulait les employer à dégrever la propriété foncière sans chercher de compensation ailleurs, on pourrait voir si c’est le meilleur usage qu’on pût leur donner. Au moins il n’y aurait de préjudice pour personne, on ne commettrait point d’injustice, tandis que créer un impôt nouveau pour opérer ce dégrèvement, ce serait, je le répète, dépouiller l’un pour enrichir l’autre.

A-t-on réfléchi enfin aux résultats économiques d’une telle mesure ? Supposons que le dégrèvement soit de 50 pour 100 sur le principal. Cela équivaudrait environ au quart de l’impôt en totalité, y compris les centimes additionnels. Or il y a aujourd’hui 6,686,000 cotes au-dessous de 5 francs, en moyenne de 1-90, et 2,015,000 au-dessous de 10 francs, en moyenne de 7-34. Les unes se trouveraient allégées de 45 cent., les autres de 1 fr. 75 cent., et, pour bien mesurer l’insignifiance d’un pareil résultat, il faut savoir que le budget d’une famille qui paie une de ces cotes au-dessous de 5 francs et de 10 francs est au moins de 800 francs par an ; c’est un budget des plus modestes. Il s’agit donc d’une proportion imperceptible qui n’aurait aucune influence sur le bien-être individuel. Avec une pareille faveur accordée à la terre, on n’attirerait point davantage les capitaux vers l’agriculture ; celle-ci n’y gagnerait rien, tandis que l’industrie et le commerce, tout ce qui vit des valeurs mobilières y perdrait beaucoup : on ne peut avoir qu’un intérêt en proposant des mesures de ce genre, celui de la popularité. On veut pouvoir dire aux habitans des campagnes, qui forment les gros bataillons du suffrage universel, qu’on pense à eux, qu’on a une sollicitude particulière pour leurs intérêts, et qu’on les fait passer avant tout. Sur ce terrain, il n’y a plus à discuter. Il faut espérer seulement que ces habitans des campagnes finiront par comprendre eux-mêmes que c’est là un-mauvais moyen de les servir, que leur situation ne sera pas beaucoup changée par une légère réduction de la taxe qui pèse sur la terre, et qu’elle s’améliorera au contraire sensiblement, s’il y a beaucoup d’entreprises industrielles, beaucoup de chemins de fer, beaucoup de canaux, beaucoup de