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les Grecs. « J’ai lu, ajoute l’auteur, dans l’histoire de Jérusalem (in historia Jerosolimitana)[1] que c’est par la route de terre qu’alla l’empereur Frédéric, qui se noya en se baignant dans un fleuve d’Arménie, au temps de Salahadin, roi des Assyriens. » Les Anglais, Français, Espagnols, Italiens, suivront la voie de mer.

Pour triompher des mauvais anges, qui feront tout pour empêcher les combattans de reconquérir la terre-sainte, il sera bon aussi que le concile décrète la réformation de l’état de l’église universelle, afin que les prélats, grands et petits, s’abstiennent des choses défendues par les saints pères. Le pape doit ainsi que ses frères les cardinaux et les évêques, joindre l’exemple au précepte : cœpit Jesus facere et docere. Qu’il considère donc comment agissent les prélats détenteurs de duchés, de comtés, de baronnies et autres biens temporels, ces belliqueux prélats s’occupent bien plus de combats que du salut des âmes, sans souci de ce qui est écrit dans la loi divine : quod animœ humanœ sunt quibuscumque rébus prœferendœ. Dans les pays, comme les royaumes de France et d’Angleterre, où les prélats ne font pas la guerre, que le pape considère avec quelle ardeur ils se livrent aux disputes touchant les choses temporelles, abandonnant leur cathédrale pour les tribunaux et les parlemens, — comment ils dépensent dans des frais de procédure et d’avocats les biens des églises, qui sont la propriété des pauvres de Jésus-Christ, — comment les écoliers, les voyant agir ainsi, désertent les études de philosophie et de théologie pour se livrer à l’étude du droit civil, qui mène aux plus hautes dignités. Cet état de choses est devenu si général que la science de la philosophie et de la théologie ne se trouve plus aujourd’hui que chez quelques religieux.

Que le pape considère la façon dont se comportent les religieux de l’ordre de Saint-Benoît, Les abbés, qui devraient posséder et garder les biens des monastères, sont généralement pauvres ; au contraire les moines, qui ne peuvent rien posséder en propre sans péché mortel, sont riches, et ceux-là passent pour les plus sages qui ont le plus d’argent dans leur bourse. Ces religieux possèdent hors des abbayes de nombreux prieurés non conventuels qui produisent de gros revenus pour deux ou trois moines. Les prieurs emploient l’argent dû aux pauvres à plaider contre leurs abbés ou à faire le mal. La vie que mènent les moines dans ces prieurés est telle que souvent en Bourgogne les fils de nobles se font moines pour obtenir un prieuré. Que les supérieurs retirent donc aux moines les obédiences et offices des choses temporelles, qu’ils fassent administrer le temporel par des personnes séculières, puis qu’ils abandonnent

  1. Voyez Bongars, Gesta Dei, I, p. 1162.