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sonnes valides se rendent de Nancy dans le sud de la France pour s’enrôler, et que la mairie leur a même délivré des saufs-conduits.

« Je me trouve dans la nécessité de vous prévenir que tous les habitans des territoires occupés par les armées allemandes qui s’enrôleraient, malgré la défense faite par nos proclamations, ne seraient pas traités comme prisonniers de guerre, mais condamnés aux travaux forcés ou fusillés.

« De plus, comme tous les noms ont dû être inscrits sur un registre, la mairie devient responsable des personnes qui partiraient pour s’enrôler et auxquelles elle aurait délivré des saufs-conduits,

Je vous engage donc, monsieur le maire, dans votre propre intérêt, à ne pas favoriser de telles tentatives, et à ne pas accorder de saufs-conduits aux personnes suspectes.

Le préfet, comte Renard. »

Ce fut bien autre chose lorsque M. Gambetta se fut emparé de la conduite des affaires militaires. Les appels sous les drapeaux se succédaient ; tantôt c’était la classe de 1870 et 1871, tantôt c’étaient les hommes valides de 21 à 40 ans. La Meurthe, surveillée de trop près, ne fournit aux bataillons mobilisés qu’un faible contingent ; mais dans les Vosges presque tout le monde partit.

Le gouverneur-général de Lorraine et ses trois préfets prirent alors des mesures extrêmes. On imposa aux maires la confection de listes supplémentaires où devaient figurer tous les individus mâles de la commune jusqu’à l’âge de quarante ans. Il était défendu à toute personne de cette catégorie de s’absenter « pour quelque temps que ce fût » sans un certificat du maire, spécifiant l’endroit où elle se rendait, la cause et la durée de l’absence. À tout voyageur trouvé sans le certificat, une amende serait infligée qui pouvait s’élever à 100 francs ; à toute personne qui s’enrôlerait, une amende qui pouvait s’élever jusqu’à cent mille francs ou entraîner la confiscation des biens « présens ou à échoir. » Les listes de recensement devaient être produites, les hommes compris sur ces listes devaient être présentés à toute réquisition de la gendarmerie et des patrouilles prussiennes. (Arrêté du gouverneur, 10 décembre.) Malgré ces mesures inquisitoriales, l’empereur d’Allemagne constatait avec douleur, dans un célèbre ordre du jour à son armée, que « les habitans de la France avaient déserté en masse leurs occupations pacifiques, dans lesquelles on n’avait pas voulu les troubler, pour courir aux armes. »

Le commissaire civil, en prenant possession de sa charge, avait déclaré que « les lois et coutumes seraient respectées, et que le cours de la justice ne serait point entravé. » Dans une circulaire