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tres termes, les impôts indirects étaient supprimés, l’impôt direct doublé ou triplé. Le commerce du tabac, du sel et des cartes à jouer cessa d’être monopolisé par l’état. La manufacture de tabac à Nancy, en vertu d’une convention passée avec le prince royal, devint établissement municipal. La ville s’engageait à fournir par jour d’abord 30,000, plus tard 90,000 cigares à l’armée allemande ; elle pouvait livrer le reste à la consommation. Un point était resté obscur dans ce traité. La ville pourrait-elle s’attribuer le bénéfice de cette exploitation ? Le conseil municipal, à ce qu’il semble, l’avait ainsi compris ; il fut détrompé par l’administration des contributions, qui l’invita poliment à verser à la caisse du gouvernement une somme de 35,000 francs, montant présumé de ses bénéfices. On résista ; le 11 septembre, M. le steuer-rath Fleischhauer, en grand uniforme vert, vint sommer les conseillers d’opérer le versement. Il avait pris la précaution d’amener avec lui un serrurier avec une collection de fausses clefs, pour crocheter la caisse municipale. Elle était vide ; alors il déclara que les conseillers resteraient prisonniers dans la salle des délibérations jusqu’à ce qu’on se fût procuré la somme. Il ne se retira qu’après l’avoir reçue et soigneusement comptée.

Indépendamment de la première réquisition en argent s’élevant à 50,000 fr., d’amendes successives montant à près de 200,000 fr., de réquisitions en nature vraiment écrasantes, de logemens militaires perpétuels, du versement de ses profits sur le tabac, la contribution mensuelle de la seule ville de Nancy fut d’abord fixée à 91,000 francs ; mais, à partir du 1er janvier 1871, elle fut augmentée d’une capitation de 25 francs par habitant, et de plusieurs autres impositions, et arriva au chiffre de 327,000 francs par mois.

Une charge aussi lourde était celle des réquisitions en nature. Ce furent d’abord tous les chevaux de la ville que l’on dut amener, le 14 août, sur la grande place, pour que les officiers prussiens pussent faire leur choix. Le 17 août, à l’arrivée des Bavarois, il fallut recommencer cette exhibition ; mais les Allemands du sud furent très dépités en s’apercevant que leurs frères du nord avaient pris le meilleur. Le 18 août, on requit la carte d’état-major de la France que possédait la bibliothèque, et l’on somma la ville de livrer tout ce que les marchands avaient de cartes de France ou de cartes de Lorraine, sous peine de 200,000 francs d’amende. Sans parler de l’immense quantité de pain, vin, viande, café, épiceries de toute sorte, que pouvaient consommer journellement une garnison de 6,000 hommes et 15,000 ou 20,000 hommes de troupes de passage, on eut à meubler les locaux des diverses administrations, à garnir d’objets de toilette les boudoirs des officiers, à