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variétés ne sont guère moins nombreuses, quoique le personnel et les affaires soient bien moins considérables. La passementerie distance toutes les autres fabrications de bien loin par la valeur de ses produits. Viennent ensuite les tissus pour robes et pour meubles, les châles, les teintures de fils et d’étoffes, etc. Une observation intéressante tient à ce fait, que dans le troisième groupe les femmes dominent par leur nombre, tandis qu’elles ont été sur tant d’autres points dépossédées d’applications qui semblaient devoir leur revenir en propre. Ici nous trouvons presque moitié plus de femmes que d’hommes, et autant que dans toutes les autres professions industrielles de la capitale réunies. Pour l’ensemble de ses spécialités, le groupe utilise les bras de 115,000 personnes, sur lesquelles le vêtement en réclame 86,000. Les transactions montent à un demi-milliard environ pour le vêtement, et à 129 millions pour les fils et tissus, c’est-à-dire en masse à plus de 600 millions de francs.

Sur le contingent participant à cette production en temps régulier, combien reste-t-il d’individus à l’œuvre ? Grâce à l’intervention féminine, la réduction est un peu moins forte que dans les autres groupes. De plus, les confections militaires, nécessitées par les circonstances, composent un certain fonds de travail réservé presque exclusivement aux femmes. Le meilleur débris de leur ancien domaine dépend de cette spécialité accidentelle et passagère. La besogne se distribue sous le contrôle des mairies. On ne fait du reste aucune distinction entre les femmes des gardes nationaux et les autres. Peut-être même inclinerait-on à donner la préférence aux dernières, exclues qu’elles sont de toute subvention. Que de peines, que de patience, que de temps perdu, avant de réussir à prendre un lambeau dans la répartition ! Les bureaux sont encombrés ; on ne réussit pas à les aborder du premier coup : il faut arriver en rang utile. On s’en retourne souvent sans avoir rien reçu, le visage triste et le cœur désespéré. Celles des ouvrières qui peuvent obtenir quelque effet d’habillement, tunique ou vareuse par exemple, s’en vont joyeuses et fières, oubliant pour un jour qu’il faudra désormais une attente bien longue avant que leur tour ne revienne. Voilà donc que, laissant les hommes se faire la chasse les uns aux autres, comme s’ils avaient été changés en bêtes fauves, les femmes font la chasse au travail, suprême protestation contre les horreurs de la guerre civile. Devenues plus positives que nous au milieu des conjonctures actuelles, les femmes, à de rares exceptions près, se trouvent être les dernières à lutter publiquement en faveur du travail, qui assure le sort des familles, et qui profite à la dignité de l’individu. Malgré toute leur ardeur et leur bonne volonté, elles n’arrivent qu’à une bien faible atténuation du préjudice