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séquent de la participation du corps de la nation au gouvernement de ses affaires, est au fond même des actes du roi Jean, et s’y trouve exprimée. C’est ici surtout que l’exploration de nos archives promet d’importans et curieux résultats au laborieux chercheur qui voudra s’appliquer à cette œuvre de patience. Il y découvrira comment furent convoqués et assemblés à Paris, par le mandement du roi, les prélats, les chapitres, les barons et les villes du royaume ; « comment leur fist le roy exposer en sa présence l’estat des guerres » par le chancelier, « et leur requist ledit chancelier pour le roi qu’ils eussent avis ensemble quelle aide ils porroient faire au roy, qui fust suffisant pour faire les frais de la guerre… Lesquels respondirent, c’est à savoir le clergié, les nobles et les bonnes villes, que ils estoient tous prêts de vivre et mourir avec le roy, et de mettre corps et avoir en son service, et deliberacion requisrent de parler ensemble, laquelle leur fust ottroiée. » Les commissions des états se concertent et consultent ; elles veulent avoir l’avis des états particuliers des provinces sur les voies et moyens ; elles ne craignent pas de relever des abus dont les peuples sont grevés ; l’administration royale les avoue, les explique, les excuse, et promet d’entrer dans de meilleurs erremens ; enfin l’impôt est voté et accordé par le libre consentement des représentans du peuple, pour chacun y être également soumis, même les seigneurs du lignage du roi. « Eulz (les états), désirant de tout leur cuer estre et demeurer en la bonne grâce du roy, en exposant pour luy corps et biens, espérant que ou temps à venir par nostre dit seigneur soient trahies et menés favorablement, et par luy lesdites guerres puissent prendre bonne et briève fin, donnent, accordent et ottroient a nostre dit seigneur une imposicion de six deniers pour livre, etc. » Ce sont, on le voit bien, les principes fondamentaux du gouvernement représentatif. Les abus signalés se rapportaient à la variation du cours des monnaies, au droit de prise que nous appellerions de réquisition, et au recouvrement même des contributions par sergens mercenaires ou généraux. Les gens du roi conviennent qu’il y a réforme à faire, et s’engagent d’y pourvoir à la satisfaction générale : « mais que on luy feist aide qui fust souffisant[1]. »

Le recouvrement des impôts par les agens de l’administration royale était très vicieux. On avait hérité à cet égard des procédés romains, lesquels, joints aux procédés féodaux, avaient produit des modes de perception intolérables. Aussi la plupart des provinces réunies à la couronne s’étaient réservé le droit de la collection de l’impôt, sauf à le verser après en tout ou en partie dans le trésor

  1. Voyez les Chroniques de Saint-Denis et le tome II des Ordonnances du Louvre.