Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/684

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux assemblées des trois estas, qui estoient chascun jour fâictes en l’hostel des frères mineurs, à Paris, » dans ce même couvent des cordeliers dont le réfectoire fut le théâtre d’un club célèbre en 1792[1].

Mais, au lieu de s’occuper des véritables intérêts du royaume, la délivrance d’un roi prisonnier, une longue et cruelle guerre à terminer ou soutenir, des tumultes domestiques à prévenir et à calmer, on employa le temps des séances à des récriminations inutiles sur le passé, sans proposer, ni adopter aucune mesure profitable pour le présent. Les personnes furent attaquées et les choses laissées à l’écart. « Toutefois, après que les dits trois estas orent conseillé et assemblé, par plus de quinze jours, et esleu chascun des trois ordres aucuns auxquels les autres avoient donné povoir de ordener ce que bon leur sembleroit pour le prouffit du royaume, iceux esleus firent sentir au dit Mgr le duc de Normendie qu’ils parleraient volentiers a luy secrètement, et pour cela ala le dit duc, luy sixième seulement, aux dits frères mineurs, pardevant les dits esleus, lesquels luy distrent qu’ils avoient été ensemble par plusieurs journées, et avoient tant fait que ils estoient tous a un accord Si requistrent au dit monseigneur le duc qu’il voulsist tenir secret ce que ils lui diroient, qui estoit pour le sauvement du royaume, lequel monseigneur respondi qu’il n’en jureroit jà, et pour ce ne laissierent pas a dire les choses qui s’ensuivent. Premièrement, ils luy distrent que le roy avoit estimai gouverné au temps passé, et tout l’avoit esté par ceux qui l’avoient conseillé, dont le royaume estoit gasté et en péril d’estre tout destruit et perdu. Si lui requistrent que il voulsist priver les officiers du roy que ils lui nommeroient lors de tous offices, et que ils les feist emprisonner, et prendre tous leurs biens, que il tenist pour confisqués. » Ces officiers qui devaient être immolés à la justice du peuple n’étaient autres que les dignitaires principaux des fonctions publiques ; on en donnait la liste au jeune lieutenant du roi. « Secondement, requistrent au dit monseigneur le duc que il voulsist délivrer le roy de Navarre, disant que, depuis que le dit roy de Navarre avoit été emprisonné, nul bien n’estoit venu au roy ne au royaume. Enfin requistrent au dit Mgr le duc que il se voulsist gouverner du tout par certains conseillers que ils luy bailleroient de tous les trois estas, lesquels conseillers auroient puissance de tout faire et ordener au royaume, ainsi comme le roy. » Ces communica-

  1. L’histoire de ces fameux états de 1356 recevra un jour nouveau de divers mémoires importans couronnés ou distingués par l’Académie des Sciences morales, de l’Institut, à la suite d’un concours récemment ouvert sur la question des états-généraux en France. M. Picot y a obtenu le premier prix, M. Desjardins le second. Il est à désirer que leurs ouvrages soient bientôt imprimés.