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besoigne n’eust point esté différée, toutes fois furent-ils d’accort par leurs opinions au délay. » Il n’y avait point là de Mirabeau, et il n’y eut pas de séance du jeu de paume ; on était encore à l’enfance de l’art[1].

Les députés appelés chez le duc retournèrent à la chambre, et le duc d’Orléans fit entendre au peuple assemblé que Mgr de Normandie ne pourrait entendre les requêtes qu’on lui devait présenter à cause de certaines nouvelles qu’il avait reçues, et dont il leur fit connaître quelques parcelles. Sur quoi, l’assemblée des états se sépara, et plusieurs retournèrent en leur pays. Quelques jours après, le duc de Normandie mandait au Louvre son conseil, et les plus notables des députés demeurés à Paris. Il leur exposa de nouveau l’opportunité d’un délai, leur persuada de retourner chacun chez eux, à l’exemple de leurs collègues, qui avaient ainsi fait les jours précédens, « et leur dit qu’il les remanderoit, mais que il eut oï certains messagiers qui venoient devers le roi son père, et aussi qu’il eust esté devers l’empereur, son oncle, par devers lequel il entendoit aler briefvement, dont plusieurs desdis estas qui avoient entencion de gouverner le royaume, furent moult dolens. » Le duc de Normandie partit en effet, selon sa parole, le lendemain pour Metz, où l’empereur avait convoqué une diète. En son absence, plusieurs députés opposans se réunirent encore aux Cordeliers, où l’évêque de Laon leur fit connaître ce qui s’était passé entre eux et le régent, et comment ce dernier s’était soustrait à leurs instances, sous le prétexte d’un voyage dont le but réel n’était que d’éluder leurs requêtes. Il conseilla à chacun de prendre copie des choses qui avaient été ordonnées par les délégués des états et de l’emporter en son pays, ce que plusieurs firent à ladite assemblée. La manœuvre de l’évêque de Laon était perfide, mais prévoyante, car en partant pour Metz, et au cours de la prorogation parlementaire, le duc de Normandie avait ordonné la convocation immédiate des états particuliers de la langue d’oil, où ses commissaires avaient trouvé plus de patriotisme, moins de turbulence, et de meilleures dispositions qu’à Paris pour accorder au roi l’aide indispensable dont le royaume avait besoin. D’un autre côté, le régent recevait des états de la langue d’oc, convoqués en même temps que ceux de la lan-

  1. Les noms des commissaires délégués séant aux Cordeliers en 1350 ont été publiés à la suite d’un acte d’accusation dressé plus tard contre Robert Le Coq, évêque de Laon, l’un des hommes les plus influens de la réunion. On y voit que le nombre des élus avait été réduit à 34, de 50 qu’il était au premier choix de l’assemblée. Les timides s’étaient retirés. Sur ce nombre de 34, il y avait 17 bourgeois, 6 nobles et 11 gens d’église, c’est-à-dire que la représentation des communes y était à elle seule aussi forte que celle de la noblesse et du clergé réunis. — Voyez M. Douët d’Arcq, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, t. II, p. 382 et suiv., et M. Géraud, sur le continuateur de Guillaume de Nangis, t. II, p. 243.