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Le conseil de Nottingham fonctionne depuis le 3 décembre 1860, et a empêché le retour des grèves. D’abord on le considéra comme une expérience très hasardée. Quelques manufacturiers étaient ouvertement hostiles à la nouvelle institution ; les uns la regardaient comme une utopie, les autres se plaignaient qu’on pénétrât ainsi dans le secret de leurs affaires, ou trouvaient qu’on portait atteinte à leur indépendance et à leur dignité. Peu à peu, ces objections tombèrent, et aujourd’hui il n’y a plus que deux ou trois patrons qui refusent en apparence de reconnaître les décisions du conseil ; mais en réalité ceux-là mêmes sont obligés, par leur isolement et par la pression de l’opinion publique, de s’y plier aussi bien que les plus fermes défenseurs du système. Les discussions du conseil sont devenues comme une sorte d’école pour les deux parties. « Toutes les fois, disait un procès-verbal en 1867, que des propositions contraires aux lois d’une saine économie politique ont été apportées au conseil par des ouvriers qui n’en faisaient point partie, les délégués ouvriers les ont combattues les premiers… Ouvriers et patrons se sont toujours exprimés avec la plus grande liberté sur leur façon de voir ou d’agir, et personne n’a jamais eu à se plaindre d’avoir produit franchement son opinion. L’un des résultats les plus frappans de cet échange d’idées a été de mettre les ouvriers mieux au courant des lois économiques qui régissent l’industrie et le commerce, et de leur faire comprendre le rôle de la concurrence étrangère. Les patrons ont pu mieux apprécier les difficultés de la vie de l’ouvrier, et ressentir plus de sympathie pour les luttes qu’il soutient en vue d’améliorer son sort. »

Afin d’éclairer les ouvrière sur les nécessités résultant de la concurrence des pays voisins, le conseil, en 1867, envoya deux d’entre eux en France et en Allemagne avec la mission d’examiner par eux-mêmes les prix de la main-d’œuvre dans ces pays. À leur retour, ils déclarèrent à leurs camarades qu’il n’y avait pas lieu pour le moment de demander une hausse des salaires.

Les patrons ont eu aussi plusieurs fois l’idée de déposer sur la table du conseil des objets fabriqués en France et en Allemagne pour mettre les ouvriers à même de comparer les produits et leur faire sentir le danger de la concurrence. « Maintenant, dit M. Mundella, ils savent aussi bien que nous quand la demande est forte et quand elle est faible, et ils connaissent à quel prix on travaille chez nos voisins. »

Le mérite de ce système consiste, comme on le voit, à prévenir le mal plutôt qu’à le guérir. Les neuf dixièmes des affaires qui, si on les laissait s’envenimer, produiraient de graves dissentimens, sont arrangées par le comité d’enquête, et ne viennent même pas