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candidatures est ouverte. Les princes missent-ils eux-mêmes tous leurs soins à décourager autour d’eux, toute agitation, leurs partisans ne se croient point tenus à la même réserve. Oui, sans doute, il y a un danger, nous ne le méconnaissons pas ; il y a le danger que les partis créent par leurs impatiences, par leurs illusions, par la facilité avec laquelle ils s’empressent de donner une signification démesurée aux moindres incidens dont ils pensent pouvoir profiter. Si l’admission des princes d’Orléans se présentait dans ces tenues, si elle était un encouragement accordé aux prétentions exclusives, d’un parti, si elle apparaissait comme le préliminaire d’un de ces coups hardis par lesquels on enlève les solutions, elle serait un péril ; manifestement elle n’est point cela, elle n’a point ce caractère, ainsi que l’a dit le représentant de la commission de l’assemblée, M. Batbie, dans son remarquable rapport. L’admission des princes, imposée par les circonstances et par la justice, peut avoir sans nul doute sa valeur politique, elle n’est une surprise pour personnelle n’a pour objet ni de changer subrepticement la situation actuelle, ni d’affaiblir la confiance témoignée par des manifestations éclatantes au chef du pouvoir exécutif ; elle ne tranche aucune question de gouvernement, elle réserve tout, et en fin de compte M. Batbie n’a cru pouvoir mieux résumer la pensée de la commission de l’assemblée qu’en empruntant ces paroles prononcées l’an dernier par M. Jules Favre dans le corps législatif justement à propos de cette même question de l’abrogation des lois d’exil : « notre honneur d’hommes politiques nous conseilla de laisser à ceux qui nous suivront un grand enseignement, et cet enseignement doit être l’impossibilité des proscriptions futures par le refus que nous aurons fait de nous associer aux proscriptions du passé et du présent. »

Pourquoi donc chercher dans une mesure semblable ce qu’on n’a point voulu y mettre ? C’est un gage donné à la monarchie, disent quelques républicains, et c’est dès lors une violation du pacte de Bordeaux, sur lequel a été fondé l’ordre de choses actuel ; mais ceux qui parlaient ainsi n’ont-ils pas vu que c’était leur attitude même qui risquait de donner une portée monarchique au vote de l’assemblée ? Et lorsqu’en excluant systématiquement les princes d’Orléans ils demandent à leur tour qu’on affirme sans plus tarder la république ; est-ce que ce ne serait pas là aussi par hasard une violation du pacte de Bordeaux ? Tout cela prouve à quel point la situation où nous sommes est épineuse et complexe, combien il est difficile de garder l’équilibre de son jugement au milieu d’une telle confusion et de se conduire à travers tant d’écueils. La vérité est que ce pacte de Bordeaux, interprété de tant de façons, par les uns dans l’intérêt de la monarchie, par les autres dans l’intérêt de la république, il n’y a qu’un homme qui le comprenne dans ce qu’il a de désintéressé et de supérieur qui l’applique avec un ascendant chaque