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sique installées dans des laboratoires commodes. Quelques-uns de ces derniers sont aussi riches que les nôtres et plus accessibles aux élèves; plusieurs sont voisins des laboratoires de physiologie, et ce rapprochement est fort utile. A Heidelberg, le cabinet de physique de M. Kirchhoff et l’Institut physiologique de M. Helmholtz[1] sont dans le même bâtiment, qu’on appelle Palais de la nature (Naturpalast). A Gœttingue, le professeur Weber est installé à côté du professeur Meissner, et là, comme à Heidelberg, la biologie tire le plus grand profit du voisinage de la physique.

Les laboratoires de chimie d’aujourd’hui diffèrent autant des anciens laboratoires d’alchimistes que la science des Lavoisier, des Berzélius et des Gerhardt diffère elle-même de celle des Paracelse, des Raymond Lulle et des Basile Valentin. Rien de plus étrange qu’un laboratoire d’alchimiste. La salle est voûtée, sombre, humide, à peine éclairée par un rayon de soleil qui y produit l’effet magique qu’on admire dans les toiles de Rembrandt. Un reptile empaillé est accroché au plafond, couvert de toiles d’araignée. Sur des tablettes fixées au mur, on voit des fioles vertes, rouges, bleues. Dans un gros fourneau qui occupe un des coins de la pièce, le feu brille à travers les briques disjointes et chauffe un alambic aux formes bizarres. Le vieux maître, assis dans son fauteuil, consulte un énorme in-folio rongé par les rats, et un aide essaie de broyer une dure matière dans un mortier. Voilà où se poursuivent les longues et patientes investigations du grand œuvre, dans le silence et le secret, loin d’une ombrageuse inquisition et des impatiences vulgaires. L’alchimie, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, est une science réservée à de rares adeptes. Au XVIIIe siècle, les laboratoires, moins fantastiques, conservent cependant une physionomie encore sombre et mystérieuse. L’attirail, ainsi que le montrent les pittoresques gravures du temps, en est toujours rudimentaire. Cependant les expériences se font quelquefois en public. Des auditeurs, au nombre desquels il y a des princes, sont admis aux démonstrations de Lémery, de Rouelle; on explique d’une manière naturelle les arcanes de l’antique science. Néanmoins le matériel se perfectionne lentement. Scheele, le grand chimiste suédois, fit ses travaux mémorables dans son étroite officine de pharmacien avec quelques fioles et quelques tubes de verre. Ces mesquins appareils lui suffirent pour découvrir le chlore et l’acide fluorhydrique. Lavoisier et ses successeurs, surtout Berzéiius, en renouvelant les méthodes d’investigation chimique, inaugurèrent l’emploi d’instrumens nombreux et de nouveaux procédés qui devaient multiplier les laboratoires et les amener bientôt à l’aspect qu’ils ont aujourd’hui. C’est dans les premières années de ce

  1. M. Helmholtz a été récemment appelé comme professeur à l’université de Berlin.