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officiers venaient à disparaître. La spécialité des gabiers est la pépinière des maîtres de manœuvre ; il y a donc à la fois justice et prévoyance à entourer le recrutement de cette classe précieuse de toutes les garanties qui assurent le bon fonctionnement des autres parties du service.

Les philosophes ont toujours considéré comme une œuvre difficile de faire de l’enfant un homme ; il ne faut pas moins de soin pour faire de l’aspirant un officier. Si l’on me confiait un des jeunes élèves qui sortent du vaisseau-école suffisamment imbus des premières notions du métier, et qu’on me chargeât de le conduire par la voie la plus fructueuse jusqu’au grade de lieutenant de vaisseau, voici par quelle filière je le ferais passer. Il aurait pour débuts deux ou trois tours du monde. Ces voyages l’amarineraient, sans faire encore de lui tout à fait un marin. S’il y avait un brevet de marin, comme il y a un brevet de canonnier, de fusilier et de mécanicien, comme il y en aura bientôt un, je l’espère du moins, de gabier, il ne faudrait l’accorder qu’à celui qui joindrait à la science de la manœuvre la science du pilotage. Il m’a toujours semblé que la série de nos institutions ne serait complète que le jour où le pilotage aurait, aussi bien que l’artillerie et la manœuvre, son école. Cette école, sur quel terrain faudrait-il l’établir ? Sur celui où toutes les difficultés de navigation seront réunies. De Bayonne à Dunkerque, on trouve à la fois brumes, courans et hauts-fonds ; c’est là qu’il faut conduire nos timoniers et nos jeunes officiers. Les premiers y apprendront à surveiller la route du navire avec plus d’attention et plus d’intelligence ; ils apporteront au service de vigie un regard plus pénétrant. Dans quelques parages que le sort les conduise, au bout de peu de temps ils pourront suppléer les pilotes. Les seconds seront bientôt de force à s’en passer.

Cinq ou six années bien employées peuvent donner à un jeune officier une instruction dont il ressentira toute sa vie l’influence. Avant d’arriver aux grades supérieurs, il devrait avoir pris ses degrés aux diverses écoles que nous avons instituées pour former les spécialités de nos équipages ; il devrait être devenu fusilier à Lorient, canonnier à Toulon, mécanicien à Indret et à Brest. Parvenu au grade de lieutenant de vaisseau, il sera mûr pour la grande école, pour cette école où s’appliquent les connaissances acquises à toutes les autres ; je veux parler de l’escadre d’évolutions. Cette escadre, que M. de Clermont-Tonnerre réunit pour la première fois en 1825 dans la mer des Antilles, et qui, depuis cette époque, s’est rassemblée presque tous les ans dans la Méditerranée, est la source où nos officiers et nos équipages sont, de tout temps, venus retremper leur esprit militaire. N’eût-elle que cet avantage, l’escadre