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gny nous donna des capitaines de corvette ; l’amiral de Rosamel les supprima. Quelques officiers, dont je ne serais pas éloigné de partager l’avis, voudraient qu’on rétablît un grade qui rendrait l’analogie plus complète entre la marine et l’armée. Nos corps de débarquement trouveraient dans cette disposition les chefs de bataillon qui leur manquent ; l’artillerie de nos grands bâtimens y gagnerait un commandant supérieur. Appelés à remplir les fonctions de second, les capitaines de frégate seraient, en cas d’absence ou de maladie, mieux suppléés par un capitaine de corvette que par un lieutenant de vaisseau ; investis eux-mêmes d’un commandement, ce grade intermédiaire leur fournirait des seconds disposant d’une autorité plus forte. Les lieutenans de vaisseau perdraient, il est vrai, la chance de commander ; ils auraient pour dédommagement la perspective d’arriver plus jeunes à une situation qui, pour beaucoup d’entre eux, marquerait la limite d’une ambition que la gêne financière va nécessairement restreindre. Il faut toujours hésiter à remanier les cadres ; on alarme ainsi autant d’intérêts qu’on suscite d’espérances et qu’on prépare de déceptions. Cependant la mesure que j’indique, si elle fut prématurée autrefois, semble trop bien s’accorder aujourd’hui avec les besoins d’une marine nouvelle pour que je ne la recommande pas tout au moins à la plus sérieuse étude.

J’ai vu depuis trente ans quelques-unes des idées dont, au retour de chaque campagne, je venais déposer ici le germe — avoir l’heureuse fortune d’éclore au grand jour, et d’acquérir droit de cité dans le domaine de l’administration. Pendant ces trente années, mes convictions se sont pliées, sans se démentir, au cours des événemens et aux révolutions opérées par la science ; je les retrouve en 1871 à peu de chose près ce qu’elles étaient en 1842, ce qu’elles étaient encore en 1859. Il en est sur lesquelles je pourrais, à la rigueur, accepter quelque compromis ; pour celles qui me semblent fondamentales, ni le malheur des temps, ni le goût des nouveautés ne sauraient m’arracher le moindre sacrifice. J’ai prononcé, au début de ce travail, le mot d’institutions nécessaires ; ces institutions, je les résume. La première est sans contredit l’inscription maritime ; la seconde, l’ensemble de nos diverses écoles de spécialités, dans lesquelles il faut comprendre une école de gabiers et une école de pilotage ; la troisième s’appelle l’escadre d’évolutions. Sauvez ces institutions, vous aurez sauvé la marine.

Si notre puissance navale n’était assise sur deux mers complètement séparées, ce n’est pas à Paris, c’est dans un de nos ports que je voudrais voir siéger l’administration centrale de la flotte. Il y a longtemps que nous avons pu nous en apercevoir. Ce fleuve qui emporte tout dans son cours emporte aussi les meilleures pensées