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LA
COMMUNE DE PARIS
DE 1588

La révolution de 1792 bouleversa tellement la vieille société française, qu’il semble que tout en ait alors péri, et qu’une nation absolument nouvelle ait remplacé celle qui existait. Les Français d’aujourd’hui tiennent cependant par d’innombrables liens à ceux d’autrefois. L’esprit révolutionnaire, que l’on est enclin à regarder comme le fruit de la philosophie du XVIIIe siècle, comme ayant fait sa première apparition en 1789, est d’une origine bien plus éloignée ; il se montre aux XIVe et XVe siècles, pendant les troubles de la régence de Charles V et aux temps désastreux de Charles VI ; il se réveille avec force et persiste dans la seconde moitié du XVIe siècle ; il se retrouve au fond des stériles agitations de la fronde. Avant donc de se généraliser et de s’étendre, cet instinct permanent de révolte, cette prétention d’arriver par des soubresauts violens à détruire les abus et à réformer l’état, avaient mis plusieurs fois le pays en péril. Il y eut là un phénomène semblable à ces maladies contagieuses qui sévissent d’abord à de lointains intervalles, dont les irruptions se rapprochent graduellement, et qui finissent par devenir endémiques. Nous venons de traverser de cruelles épreuves ; nous avons subi à Paris deux sièges, l’un de la part de nos ennemis, l’autre de la part de nos libérateurs. Une poignée d’hommes audacieux a profité de la présence de l’étranger et des circonstances que la guerre avait créées pour s’emparer du pouvoir dans la capitale ; sous le prétexte de défendre ses libertés municipales, ils ont exercé la plus insupportable et la plus odieuse tyrannie ; ils ont fanatisé la partie la plus pauvre de la population