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fournissait tout naturellement l’occasion de critiquer les actes du gouvernement et de faire, comme on dirait aujourd’hui, de la politique. L’assemblée rappela en diverses circonstances à Henri III les anciennes franchises et immunités de la ville, et insista pour qu’elles fussent maintenues. Le corps municipal arrivait ainsi à s’immiscer dans les affaires de l’état, et voilà pourquoi l’opposition ligueuse s’y donna rendez-vous ; mais les ménagemens que le bureau de la ville était obligé de garder à l’égard du souverain empêchaient que la résistance prît un caractère réellement séditieux. Tendait-elle à dégénérer en attaques contre la couronne, les membres des cours souveraines et les officiers royaux qui faisaient partie du bureau rappelaient l’orateur à la modération. Il n’aurait pas été d’ailleurs prudent de tenir à l’Hôtel de Ville un langage trop hardi. Le II juin 1587, Nicolas Roland, conseiller à la cour des monnaies, qu’on avait surnommé un des arcs-boutans de la ligue, fut emprisonné à la Conciergerie, pour avoir en plein Hôtel de Ville opiné aigrement au désavantage du roi.

Les ardens du parti catholique ne pouvaient dès lors se contenter des remontrances du corps municipal, qui ne conduisaient pas assez vite à leur but ; ils songèrent à des moyens plus efficaces. La guerre contre les protestans avait été reprise dans les provinces par les ligueurs ; suspendue un instant après la paix de Nemours, elle avait éclaté de nouveau du fait des calvinistes. Henri III tergiversait et cherchait à échapper à la pression que voulaient exercer sur lui les catholiques. Quelques exaltés du parti des Guises, entre lesquels se trouvaient Ch. Hotman, sieur de La Rocheblond, les curés Jean Prévost et Jean Boucher, le célèbre docteur Matthieu de Launoy et quelques autres membres du clergé, tinrent alors des conciliabules où l’on agita la question de s’organiser en une sorte de comité de vigilance afin de surveiller les agissemens du roi. On se réunissait au collège Forteret, près Saint-Étienne-du-Mont. A l’instigation d’un agent du duc de Guise, François de Maineville, jeune gentilhomme d’un caractère entreprenant, ce premier groupe s’aboucha plus tard avec les plus ardens ligueurs, dont quelques-uns appartenaient au bureau de la ville. C’étaient pour la plupart des hommes ambitieux et des brouillons, des gens tarés ou se trouvant dans une situation de fortune embarrassée, et qui cherchaient un moyen d’échapper à leurs créanciers, tels que La Chapelle-Marteau, maître des comptes, gendre du président de Neuilly, ruiné par des procès, La Morlière, notaire fort mal dans ses affaires. On voyait figurer parmi eux ce même Roland qui se faisait arrêter pour la hardiesse de son langage, plusieurs procureurs, Crucé, Michel et Jean Leclerc, dit Bussi-Leclerc, qui avant d’entrer au palais avait fait le métier de prévôt de salle, les avocats Louis d’Orléans et