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lui insinuait Villequier. C’étaient ces incertitudes qui permettaient à l’association secrète de s’étendre et de se consolider ; elle venait de se donner une organisation toute militaire, et faisait, par des placards anonymes, de véritables appels aux armes. Nombre de gentilshommes et de familiers des Guises s’étaient depuis quelques jours établis dans les faubourgs, tout prêts à seconder un coup de main. On était à la fin d’avril 1588. Le roi, de retour à Paris, reçut une nouvelle dénonciation de Poulain ; il hésita encore, car il redoutait par-dessus tout le duc de Guise, auquel il envoyait une lettre ambiguë. A Paris, il se contenta de faire savoir qu’il était averti de ce qui se tramait contre lui, il en entretint la duchesse de Nemours ; celle-ci rejeta bien loin les accusations dont son parti était l’objet, elle défendit son fils, et déclara qu’il viendrait lui-même se justifier devant le roi. C’était une occasion qu’elle cherchait pour autoriser le duc à se fendre dans une ville où il devait donner la main aux conjurés, car, leurs menées étant déjà découvertes, il fallait se hâter et ne pas laisser au roi le temps d’agir. Malgré l’ordre contraire d’Henri III, le Balafré, à qui le conseil secret de l’union avait dépêché Brigard pour le presser d’accourir, se mit en route, précédé de gentilshommes chargés en quelque sorte de faire les logis de la révolution qui se préparait. Il arriva le 9 mai.

Le roi, pour parer à toute éventualité, avait installé dans le faubourg Saint-Denis 4,000 Suisses appelés de Lagny ; la garde du Louvre fut doublée. La. réception enthousiaste faite au duc dan Paris montra à Henri III combien il avait raison de se défier des habitans. Guise était manifestement plus maître que lui de sa capitale. Ne pouvant compter sur les Parisiens, force lui était bien de recourir à ses troupes.

On sait l’histoire de la fameuse journée des barricades. Henri III, au lieu d’agir par un coup de vigueur et d’ordonner l’arrestation immédiate de Guise, dont la désobéissance provoquait sa colère, suivit le conseil de ceux qui, comme Villequier, Bellièvre, le chancelier de Cheverny, l’engageaient à ne pas prendre un parti si extrême. Le duc pénétra dans le Louvre et intimida le pusillanime monarque, puis se retira à temps pour aller dans son hôtel organiser l’insurrection, depuis longtemps préparée. Le conseil secret de l’union en fut l’âme. Deux jours se passèrent à la cour en négociations. Les meneurs eurent tout le loisir de soulever la populace, à laquelle on répétait que le roi voulait l’asservir en mettant à mort les défenseurs les plus zélés des catholiques. La milice bourgeoise fut, sur l’ordre d’Henri III, appelée sous les armes pour occuper différens points de la ville ; mais les bourgeois étaient mécontens du gouvernement, ils détestaient Épernon, d’O et tous les autres