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de la justice ; il se flattait encore que les choses s’arrangeraient, et qu’avec des concessions il parviendrait à rétablir son autorité dans la capitale., Aussi s’empressa-t-il de révoquer ceux de ses édits qui avaient été le plus mal reçus ; mais la révolution était commencée, rien n’en pouvait arrêter le cours. Le corps de ville comprenait que la guerre entre le roi et les ligueurs, était inévitable ; il pressa l’armement de Paris, et, pour couvrir les dépenses, un impôt extraordinaire fut mis sur les bourgeois. L’attente de l’arrivée prochaine des armées des deux rois entretenait dans la capitale une vive fermentation. Les têtes s’exaltaient ; le récent triomphe de l’émeute avait enhardi, l’esprit d’insubordination, et de licence. Paris était alors en proie à ce que Etienne Pasquier dans son langage pittoresque appelle une furieuse débauche de l’anarchie populaire. Les nouvelles autorités avaient peine à comprimer le désordre. Dès la fin de mai, on commençait à assassiner des malheureux sur la fausse dénonciation qu’ils étaient calvinistes. Les magistrats se voyaient en butte aux insultes et aux violences des bandes que les seize avaient à leurs gages. Les soldats de l’armée ligueuse se livraient à mille excès, dévastaient les maisons des habitans des faubourgs, extorquaient de l’argent. Le corps de ville cherchait à réprimer ces méfaits, mais il n’y parvenait guère, d’autant plus qu’à l’égard des politiques il donnait l’exemple de l’arbitraire ; il suffisait d’être un politique pour qu’on vous emprisonnât. Des perquisitions étaient faites dans diverses maisons, afin de saisir les biens de ceux qui avaient rejoint le roi dans sa fuite. Dès le 31 mai, mandement fut envoyé à tous les quarteniers et dizainiers de visiter les malles, coffres, bahuts et tonneaux qu’on voulait faire sortir de Paris, pour mettre arrêt sur ce qu’ils contenaient. On avait commencé par s’emparer de la vaisselle du duc d’Êpernon, que des mulets transportaient au loin, et qui fut déposée à l’Hôtel de Ville. En même temps on ne négligeait rien pour exciter contre le roi le fanatisme des masses. Le prévôt des marchands et les échevins faisaient suspendre à l’arbre de la Saint-Jean, qui s’élevait sur la place de Grève, l’image d’une grande furie qu’on intitulait Hérésie, et à laquelle on mit solennellement le feu ; on accrochait au portail de l’Hôtel de Ville un tableau où Henri III était représenté sur son trône un crucifix sur ses genoux, et qui portait une inscription outrageante. Pourtant le nouveau corps municipal trouvait la responsabilité bien lourde, et songeait à une conciliation. Le 29 juillet, le prévôt des marchands, accompagné de Compans, de Bussi-Leclerc et de quelques autres, alla, par le conseil de la reine-mère, porter à Chartres une requête où ils suppliaient le roi de confirmer les nouveaux élus de la ville, de rendre certaines franchises municipales et de revenir dans leurs murs. Henri III s’y refusa absolument,