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avait été pourtant mêlé aux complots antérieurs, s’était rendu à Blois auprès d’Henri III pour négocier. Les seize profitèrent de son absence, et, de concert avec le duc d’Aumale, ils décidèrent de recourir à la force pour arracher de la cour souveraine une reconnaissance en forme de leur gouvernement. Le 16 janvier 1589, le palais fut investi grâce à la connivence de la compagnie de Compans, qui y était de garde. Paris offrait alors le même aspect qu’il avait eu à la veille des barricades : les boutiques se fermaient, on courait aux armes, l’effroi se répandait sur une foule de visages, on s’attendait à une nouvelle journée. En effet, une troupe de ligueurs armés, ayant à sa tête Bussi-Leclerc cuirassé et l’épée au poing, pénétra dans la grand’chambre. Toutes les chambres étaient alors assemblées pour débattre l’envoi des députés au roi. L’ex-procureur déclare à messieurs de la cour qu’à son grand regret il avait reçu commandement de s’assurer de quelques présidens et conseillers accusés d’être partisans d’Henri de Valois, et, tirant une liste, il lit d’abord les noms de Harlai et de Thou. Les conseillers présens ne le laissèrent point achever, et s’écrièrent d’une commune voix qu’ils suivraient tous leur chef. On conduisit donc à la Bastille, deux à deux, revêtus de leur robe de magistrats, une soixantaine de parlementaires que l’on évita de faire passer par les rues principales, tant on craignait un soulèvement parmi les bourgeois. Ceux-ci gardaient pour les membres de ce corps illustre un respect profond, et en les voyant conduits comme des criminels ils étaient atterrés. Quant au menu peuple, il leur prodiguait les injures et les huées, les meneurs lui ayant persuadé qu’on avait découvert une conspiration des parlementaires contre les catholiques. Crucé et quelques hommes de sa bande se chargèrent de mettre la main sur les magistrats des autres cours. Comme l’arrestation s’était faite en masse, Bussi-Leclerc fit un triage à la Bastille, et renvoya, moyennant rançon à son profit, ceux qui passaient pour ligueurs ; mais tout le parlement ne se trouvait pas dans la grand’chambre quand on avait procédé à la mesure. Certains membres, avertis à temps et qui ne poussaient pas le dévoûment si loin, avaient pris garde de ne point paraître ce jour-là au palais. Le lendemain, ils revinrent à l’audience, et avec plusieurs de ceux qu’on avait élargis reprirent l’exercice de la justice. Parmi eux se trouvait le président Brisson, savant jurisconsulte, mais homme faible et ambitieux, qui aspirait à l’honneur de la première présidence. Quoique Henri III lui eût, quelques années auparavant, marqué sa confiance et son amitié, il accepta le siège dont on avait arraché Harlai, et promit aux seize d’être homme de bien ; on sait ce que cela voulait dire. De jeunes avocats furent installés à la place des anciens avocats et procureurs-généraux. Le 19 janvier, le parlement ainsi épuré, et qui allait devenir