Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pied pose sur un sol horizontal. Après le redressement de la statue, qui entraînera le relèvement de la plinthe, ce sol sera un peu montant ; mais cela n’a rien qu’on ne puisse admettre : les exemples de plinthes représentant un sol inégal, montant ou descendant, ne manquent point. Je citerai seulement, parmi les plinthes qui figurent un sol montant de l’arrière à l’avant de la statue, celles de l’Apollon Sauroctone, du héros dit le Gladiateur combattant, de la Vénus qui porte dans le musée du Louvre le n° 157, et de la Vénus du Capitole. La plinthe relevée, il arriverait à la vérité, si elle conservait ses deux surfaces parallèles, qu’entre la surface de dessous et le piédestal il resterait un vide ; mais pourquoi laisserait-on ce vide sans le remplir, et les bords de la plinthe avec ses arêtes vives ? Que la plinthe dût être un parallélipipède régulier à six surfaces bien planes, selon la forme qu’elle présente aujourd’hui à peu de chose près, c’est ce que rien ne démontre. La statue redressée de manière à rendre le joint horizontal, la plinthe et le pied droit prennent donc une direction qui n’est sujette à aucune objection. Qu’arrive-t-il maintenant de la figure entière ?

Le centre de gravité d’un corps doit nécessairement tomber aplomb sur ce qui supporte ce corps. Si donc une figure humaine porte sur un seul pied, le nœud de la gorge, c’est-à-dire l’intervalle des clavicules, lequel se trouve alors sur la même verticale que le centre de gravité, tombe à plomb sur l’articulation de ce pied avec la jambe. « Si une figure pose sur un de ses pieds, dit Léonard de Vinci, l’épaule du côté qui pose sera toujours plus basse que l’autre, et le nœud de la gorge (la fontanella della gola) sera au-dessus du milieu de la jambe qui pose. Cela aura lieu, selon quelque ligne que nous voyions la figure. » Et ailleurs : « Que le nœud de la gorge soit sur le milieu de la jointure de la jambe qui supporte le corps. » Léonard de Vinci dit encore que telle est la loi de l’équilibre pour l’homme qui se meut ou, plus exactement, pour l’homme qui se dispose à se mouvoir, car c’est proprement l’attitude de l’homme qui va se mouvoir que de jeter le poids entier du corps sur une jambe, ce qui lui laisse la liberté de porter l’autre en avant. Aussi Léonard a-t-il fort bien remarqué que dans la jeunesse, l’âge de la force et de l’agilité, on se tient naturellement le poids du corps porté sur une seule jambe, tandis que les enfans et les vieillards s’appuient sur les deux jambes à la fois. Or, bien que la Vénus de Milo porte sur le pied droit, d’où il résulte, conformément à la remarque de Léonard, qu’elle a l’épaule droite plus basse que la gauche, il s’en faut que, telle qu’elle est placée, elle ait le nœud de la gorge à plomb sur l’articulation de la jambe droite avec le pied droit ; une verticale qui passe par le creux du gosier tombe