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fort à droite et en avant de cette articulation. Maintenant, qu’on rende le joint des deux moitiés horizontal (nous en avons fait l’expérience sur un plâtre qu’on peut voir au musée), le nœud de la gorge tombe à plomb sur l’articulation de la jambe droite avec le pied droit ; la statue rentre sous la loi d’équilibre de la figure humaine.

Si d’ailleurs, faisant abstraction de tout raisonnement de statique et de tout recours au fil à plomb, on s’en rapporte à ce jugement seul de l’œil qui tient si souvent lieu de géométrie et de mécanique, on verra que la Vénus de Milo, telle qu’elle est, se trouve plus inclinée en avant et à droite qu’il ne faudrait pour le satisfaire entièrement. Elle penche évidemment de ce côté, surtout lorsqu’on la regarde de profil ; vue de face, à distance, elle offre un raccourci qui lui fait perdre beaucoup de son élégance, et semble manquer de cet aplomb, de cette stabilité qui, toujours nécessaires, sont en particulier un caractère éminent des monumens antiques. L’expression même de toute la figure, se tournant vers la gauche en même temps que trop penchée en avant, ne répond pas entièrement à cet air de calme et de sécurité qui règne sur les traits des représentations des divinités grecques en général, et très particulièrement sur ceux de la Vénus de Milo. Une fois redressée, la statue présente toute l’apparence du parfait équilibre et de la parfaite stabilité, elle prend un aspect plus conforme à l’esprit et aux habitudes de l’art antique, elle a plus de noblesse et de grâce à la fois, et l’expression qui résulte de l’attitude générale du corps n’offre plus rien qui ne soit en complet accord avec celle du visage, pleine tout ensemble de majesté et de douceur.

De ce qui précède il résulte avec une extrême probabilité que le désordre est venu d’un défaut dans l’assiette de la plinthe à la suite d’un travail mal entendu de restauration. Une partie de la plinthe ayant été brisée, ce qui en restait, après avoir été régularisé dans son contour, a été encastré dans une plinthe nouvelle. Or l’ancienne plinthe et la nouvelle n’ont pas été mises de niveau : la nouvelle est presque partout un peu plus basse. L’ancienne plinthe a maintenant son dessus horizontal : la nouvelle a le sien un peu relevé en avant et à droite, c’est-à-dire du côté où l’on aurait dû plutôt l’abaisser afin de pouvoir rendre à la figure son aplomb. Cependant par derrière une partie à peine dégrossie de la draperie descend de plusieurs centimètres au-dessous de la fausse plinthe, de telle sorte qu’entre cette fausse plinthe et le bas de la draperie il y a un vide qu’on a comblé avec du plâtre. Enfin la draperie qui enveloppe par derrière le pied droit porte des traces évidentes d’un travail moderne qui l’a rendue plus maigre en la terminant sur le