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de son histoire, elle les contredit. Bien loin que, selon les anciens, ce soit aux époques seules de décadence qu’on ait cherché surtout, dans la représentation de la beauté féminine, la « vénusté » et l’élégance, ils nous disent que dans le siècle, déjà fécond en chefs-d’œuvre, qui précéda celui de Périclès, on se préoccupa beaucoup, et peut-être outre mesure, de la grâce et de la délicatesse. C’était notamment le caractère de la célèbre Sosandre de Calamis, et en effet, sur les vases peints qu’on a trouvés en si grand nombre dans les sépultures de cette époque, on voit associé, dans un contraste étrange, à l’excès de la vigueur l’excès de la finesse. Ces deux élémens de l’art, qu’on pourrait appeler l’élément mâle et l’élément féminin, y sont également accusés ; il ne restera aux siècles suivans que d’en trouver la parfaite harmonie. Les guerriers qui s’entre-tuent sur le fronton du grand temple d’Égine s’entre-tuent en souriant ; Minerve préside en souriant au carnage. Le sourire est la préoccupation constante de cet art grec primitif si soucieux aussi de l’énergie, comme il fut plus tard la préoccupation du grand initiateur de l’art moderne, Léonard de Vinci. L’architecture d’alors offre des masses imposantes, témoin les temples de Pœstum et tant d’autres ; mais ces temples dont nous ne voyons plus guère aujourd’hui que la sévère ossature, ils étaient égayés en quelque sorte par une riche ornementation revêtue de vives couleurs, et comme étincelans d’une parure d’or et de pierreries. C’est dans ce même siècle que Callimaque, dont on associe le nom à celui de Calamis, inventa, nous dit-on, la svelte architecture aux chapiteaux formés de feuillages et de fleurs qu’on appelle l’ordre corinthien. Si Phidias et Alcamène, son digne élève, trouvèrent la vraie grandeur, nous ne voyons pas qu’ils aient négligé pour cela l’élégance ; nous ne voyons pas que, dans les figures de femmes surtout, ils aient subordonné la grâce à la force. Lorsque Praxitèle, longtemps après, porta la grâce à un point où Phidias et Alcamène, où Polyclète et Scopas n’avaient pas encore atteint, on ne nous dit point qu’il abaissa l’art, mais au contraire qu’il lui donna sa dernière perfection, autrement dit, qu’il exécuta ce que voulaient ses grands prédécesseurs, et toucha le but où ils avaient tous visé. Il résulte de là que, si nous voulons nous faire une juste idée de ce que cherchaient les Grecs dans la représentation de la beauté féminine, comme aussi du caractère moral dont ils entendaient que cette beauté fût la parfaite expression, nous ne devons pas arrêter nos regards sur la Vénus de Milo seulement, alors même que, rendue à sa véritable attitude, elle montrera plus de grâce simple, d’élégance naïve et de douceur qu’on ne lui en vit encore ; nous devrons aussi