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contempler, étudier les débris épars où vivent, encore reconnaissables, ces hauts types de la femme, de l’épouse idéale, qui attirèrent tant d’adorateurs dans les sanctuaires de Cos et de Gnide.

Si nous pouvons nous faire une idée assez exacte du caractère que l’auteur de la Vénus de Milo a voulu imprimer à cette figure, faudra-t-il renoncer à savoir ce que fut le Mars avec lequel il l’avait groupée, et par suite ce que devait être l’action de la Vénus elle-même ? Loin de là ; on peut établir, je crois, qu’il existe encore plusieurs répétitions, soit exemplaires, soit copies, de ce Mars, et que de ces répétitions la plus belle peut-être, et l’une des plus complètes, fait partie, comme la Vénus de Milo, du musée du Louvre : je veux parler de la statue provenant de la collection Borghèse, que plusieurs ont considérée effectivement comme une statue de Mars, mais dans laquelle la plupart ont voulu trouver un Achille. La seule preuve ayant quelque apparence de valeur qu’on ait avancée à l’appui de cette opinion a pourtant été tirée de la présence d’un anneau placé à la jambe droite un peu au-dessus de la cheville, et dans lequel on avait cru voir une indication de quelque pièce d’armure destinée à protéger le talon, seule partie du corps où le fils de Thétis fût vulnérable. L’anneau que porte le personnage dont il s’agit ici est placé beaucoup trop haut pour pouvoir en rien protéger le talon ; ce n’est réellement autre chose que cette sorte de bourrelet que les guerriers grecs portaient à la jambe pour recevoir le poids du jambart et défendre les chevilles du contact de cette pièce. C’est ce qu’on voit très bien par une peinture d’un vase grec où un héros encore nu, qui va revêtir ses armes, a déjà à une de ses jambes cette espèce d’anneau. Les statues de Mars les plus antiques le représentaient entièrement armé. Dans la statue qui nous occupe, l’anneau de la jambe droite est la trace subsistante de l’armure et sert à la rappeler, ou peut-être à faire entendre que le dieu, qui a encore son casque, s’est déjà dépouillé de ses autres armes défensives. — On a dit encore que la figure dont il s’agit ici a la tête inclinée avec une espèce de mélancolie qui conviendrait parfaitement au fils de Pelée et de Thétis préoccupé de la fin prématurée qu’on lui a prédite ; mais cette tête doucement penchée en avant et vers la droite, avec ce bras qui tombe le long du corps, n’exprime-t-elle pas bien mieux une volonté qui cède et s’abandonne ? Eût-on d’ailleurs donné à Achille, type du héros moissonné dans sa fleur, ces joues ombragées d’une barbe déjà prononcée, trait qui ne manque dans aucune des répétitions de ce type que j’ai rencontrées, et qui appartient d’ailleurs à toutes les têtes réputées être celles de Mars ? Enfin quoi de plus caractéristique d’une image de Mars que ce casque orné