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non-seulement de griffons, mais, sur la visière, de loups, animal qui était l’attribut aussi particulier du dieu de la guerre que la colombe l’était de Vénus ?

Ce qui est indubitable, c’est que, dans les deux groupes représentant Adrien et Sabine sous les traits de Mars et de Vénus, le Mars est presque le même pour l’attitude, le corps porté sur la jambe gauche, le pied droit avancé et posant tout entier sur le sol, le bras gauche un peu retiré en arrière, le bras droit pendant le long du corps, et que cette attitude est exactement celle de la statue qu’on nomme l’Achille Borghèse. Il y a cette différence seulement, que dans le Mars des groupes du Capitole et du Louvre la tête n’est pas inclinée comme celle du prétendu Achille. Les auteurs de ces groupes ont cru peut-être qu’il ne convenait pas de reproduire dans l’image d’un empereur cet air de tête avec lequel ne se serait pas complètement accordée la majesté dont il ne devait jamais se départir. De même, tandis que dans l’attitude et l’air de tête de la Vénus de Milo il y a une nuance de fierté, l’impératrice des deux groupes du Capitole et du Louvre exprime surtout par sa contenance la sollicitude avec la soumission. Sauf ces différences si peu considérables et si faciles à expliquer, la conformité de toute la disposition est frappante.

Maintenant, si la Vénus de Milo offre du côté gauche un aspect moins satisfaisant que de l’autre et un travail un peu plus négligé, il en est de même pour le côté droit soit du Mars Borghèse, soit des autres répétitions du même type : preuve évidente que cette Vénus et ce Mars étaient bien des figures placées de telle sorte que le spectateur ne devait bien voir ni le côté gauche de la première, ni le côté droit de la seconde. Et c’est précisément ce qui arrive, si on les assemble comme sont assemblés le Mars-Adrien et la Vénus-Sabine. Le Mars Borghèse, dont le bras gauche n’est en partie qu’une restauration, avait dans la main gauche soit une lance, soit plutôt un bouclier ; de la main droite, il devait tenir une épée. Il n’a point de baudrier, mais il y en a un à trois reproductions du même type que possèdent les musées du Vatican, du Capitole et de Dresde, ainsi qu’au Mars-Adrien du Louvre. Dans quelques-unes des répétitions du groupe, Vénus, appuyant le bras et la main gauche sur l’épaule gauche de Mars, portait la main droite vers la poitrine du dieu, non pour le désarmer elle-même, mais comme pour le persuader seulement de déposer ses armes. Dans d’autres, et vraisemblablement dans le plus grand nombre, Mars était figuré avec un baudrier que Vénus détachait ; ce baudrier allait de l’épaule gauche au flanc droit, comme on le voit sur le Mars de Dresde, — disposition assez rare, mais dont on a pourtant d’autres exemples.