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avec des sculptures découvertes depuis, qui n’ont pas été traitées de même, et qui portent encore vive l’empreinte du ciseau grec, beaucoup ont cru pouvoir expliquer la différence qui les frappait entre le travail de ces derniers monumens et celui des ouvrages depuis longtemps célèbres que nous venons de citer, en attribuant ceux-ci à une époque beaucoup plus basse, où l’exécution avait considérablement faibli, à l’époque qu’on appelle romaine. Pourtant, si l’on examine un fragment d’une répétition de la Vénus de Médicis, qui appartient au musée de Berlin, et dont l’École des beaux-arts possède un plâtre, on y trouvera la preuve que ce type appartient à un temps où le travail, à la fois large et fin, était de la plus grande beauté. Si l’on examine avec soin dans notre Diane chasseresse et notre Pallas de Velletri les parties qui n’ont souffert aucune retouche, dans la première les cheveux, une grande partie de la tunique, le pied droit, dans la seconde certains morceaux peu apparens de la draperie, on verra s’y montrer, à deux époques éloignées l’une de l’autre et avec de très grandes différences, les caractères néanmoins constans d’un travail véritablement grec.

Combien ne seraient donc pas admirables ces ouvrages, que des juges clairvoyans ont su jadis apprécier à toute leur valeur, si on les avait laissés parvenir jusqu’à nous tels que la terre nous les avait rendus après tant de siècles, et sans prétendre en effacer la trace des injures du temps ! Au commencement de ce siècle, les débris des sculptures du Parthénon ayant été apportés en Angleterre, malheureusement très mutilés, empreints néanmoins d’une beauté sublime, on n’osa pas y porter la main, on les conserva avec respect sans en tenter la moindre réparation. La Vénus de Milo étant entrée au Louvre peu de temps après, l’opinion de Quatremère de Quincy, qu’il ne fallait point la restaurer, bien que fondée sur des motifs particuliers, put se fortifier de ce récent exemple. Une partie au moins du public devait commencer à comprendre que le mieux qu’on pût faire à l’égard de chefs-d’œuvre mutilés était de n’y pas toucher. On renonça donc à toute idée de restauration générale de la Vénus de Milo. Pourtant, outre le remaniement de la plinthe avec retouche du bas de la draperie, qui se lièrent, comme je l’ai exposé dans la première partie de ce travail, à une altération de l’assiette de la figure, on fit certaines réparations en plâtre. Après quelques essais pour restaurer les bras, on désespéra de la tentative ; mais on restaura, outre l’extrémité du nez et une partie entamée de la lèvre inférieure, le pied gauche, qui manquait entièrement, ainsi que le bas de la draperie qui devait le couvrir en partie, et différens plis de cette même draperie ; enfin avec du plâtre on cacha un trou carré qui se voyait dans le flanc droit, et qui probablement avait été