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directe, de la république, les autres l’ont combattue précisément pour la même raison. Le nom de M. Thiers s’est trouvé nécessairement engagé dans la mêlée des partis, les rapports du chef du pouvoir exécutif et de la chambre se sont bientôt ressentis du travail croissant des animosités déchaînées. Quelle a été la conséquence ? C’est cette série d’incidens qui se sont succédé depuis quinze jours, c’est cette discussion irritante sur la dissolution des gardes nationales devenant comme le dangereux préliminaire de la discussion sur la proposition Rivet, c’est la commission se faisant visiblement l’organe des susceptibilités d’une partie de l’assemblée, et n’acceptant la proposition qu’en la transformant, en l’entourant de réserves, en la réduisant à une sorte d’acte de condescendance sans conviction vis-à-vis du pouvoir exécutif. La conséquence, c’est enfin la revendication presque hautaine du pouvoir constituant pour la chambre en réponse à des propositions de dissolution au moins intempestives venues d’une fraction de la gauche, et comme accompagnement de la prorogation consentie pour M. Thiers. Tout cela est certainement assez grave, et crée une confusion qui est devenue un véritable orage le jour où la discussion publique s’est ouverte, pas plus tard qu’hier. Le bulletin de ce premier jour de bataille est l’affirmation nette et claire par l’assemblée de son droit constituant, et comme l’accord s’est fait entre la commission et le gouvernement sur l’ensemble de la proposition Rivet telle qu’elle est sous sa forme nouvelle, le résultat définitif peut sembler écrit dans ce premier vote.

Il restera toujours clair qu’on s’est engagé dans une épreuve assez périlleuse ; il est évident qu’il y a de vives excitations de partis dans l’assemblée, et pour tout dire, la majorité n’est pas plus que la gauche à l’abri de ces passions ardentes qui font parfois oublier le seul but auquel nous devions tendre de toutes nos volontés. Ce qu’il y a de plus grave en tout cela, c’est une certaine disposition à l’hostilité à l’égard de M. Thiers, même en lui donnant raison quelquefois, même en lui conférant les pouvoirs demandés pour lui. Il faut cependant aller au fond des choses. Que veut-on faire ? que croit-on possible ? Y a-t-il quelque part aujourd’hui en France les élémens d’un pouvoir exécutif autre que celui qu’exerce M. Thiers ? Si on le croit, il faut le dire et surtout le montrer, car, pour nous, nous ne le voyons pas, et M. Léonce de Lavergne, qui avec une irritation contenue a donné toutes les raisons possibles de voter contre M. Thiers, ne paraît pas voir plus que nous comment on pourrait remplacer le chef actuel du gouvernement. Si on pense au contraire que les services rendus par M. Thiers sont la garantie des services qu’il peut rendre encore, que son expérience des affaires, sa renommée européenne, la confiance qu’il inspire au pays, doivent le fixer dans la position où l’ont porté les événemens, alors la pire des politiques serait assurément d’avoir toujours l’air de se révolter contre